Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Nouvelle Feuille
24 mai 2009

Aux sources du retable

Au Louvre, en dehors des foules qui arpentent l'exposition Portes du ciel sur l'Egypte, se tient actuellement un exposition bien plus modeste par la taille mais pas dénuée d'ambition: nous montrer la naissance et l'évolution du retable en Occident.

C'est quatre siècles d'histoire de l'art religieux occidental qui se déroule pour nous au travers de ce parti pris de parler des retables. Une bonne occasion pour plonger vers les racines de cet élément religieux majeur et d'arpenter les branches nées de ces racines pour comprendre son évolution jusqu'à la Renaissance. Pas de parcours muséologique délirant ou tiré par les cheveux cette fois-ci, pas de mise en musée hasardeuse: une simple et bonne vieille présentation toute chronologique, plutôt didactique mais qui permet de bien saisir l'évolution stylistique et formelle des retables.

retable1
(Retable : Pentecôte. Région de la Meuse, vers 1160-1170, cuivre doré, repoussé et gravé ; émail champlevé, vernis brun ; verre ; âme de bois. Paris, musée de Cluny © RMN / Gérard Blot)

Si on peut regretter la faible représentation des retables romans vraiment primitifs (du fait sans doute du faible nombre qui nous sont parvenus), les quelques pièces présentées sont très belles. On découvre ainsi qu'avant l'an Mil, point de retable. Et que cet élément devenu central dans le culte catholique n'est à la base qu'un élément destiné à l'édification des fidèles plus ou moins imaginé pour suppléer les autels, eux-mêmes décorés de scènes religieuses, mais souvent masqués par le prêtre, chargés d'objets liturgiques divers, etc. Le retable se place derrière le prêtre et se veut plus grand afin d'être mieux vu.

Très vite, le gothique donne un souffle incroyable à ce nouvel élément religieux, en en multipliant les audaces, de formes, de taille, de matière. Les retables grandissent et la perfection de la sculpture gothique ne les épargnent pas. Comme pour le reste de cet art, c'est d'Île de France que tout se diffuse. Parfois le retable déménage, quittant l'église et ses dimensions monumentales pour devenir un petit objet d'art destiné à la dévotion privée de la noblesse ou la haute bourgeoisie. A ce titre, un bel ensemble de rares retables en ivoire, sans doute parisiens, mérite d'être vu.

retable3
(Élément de retable : Six apôtres. Bourgogne (ou sculpteur bourguignon actif en Lorraine), deuxième quart du XIVe siècle, pierre. New York, Metropolitan Museum © The Metropolitan Museum of Arts, New York)

Si les pièces de la pré-Renaissance et de l'époque gothique témoignent d'une maîtrise artistique extrème et sont des pièces souvent incontournables, on ne peut s'empêcher de trouver plus poignant ces retables en bois, provinciaux et assez modestes, au tracé naïf et parfois maladroit, fragiles de par leur matériau et leur lieu d'exposition (des églises soumises depuis plus de 30 ans aux risques de vols). Ces premiers retables en bois on un côté touchant dans leur dévotion un peu naïve.

retable2
(Retable : l’Annonciation et la Visitation encadrant la Vierge en Majesté tenant l’Enfant (Vierge volée en 1976). Cerdagne, première moitié du XIIIe siècle, bois polychromé et peinture sur panneau, Angoustrine-Villeneuve-des-Escaldes, église Saint-André ; actuellement conservé à l’Île-sur-Têt, Centre d’art sacré (ancien hospice) / © Conseil général 66 / CCRP / Michel Castillo)

L'ensemble est donc, on le voit contrasté à tous les niveaux, les évolutions sont bien amenées par des cartels d'une intelligence rarement vue au Louvre depuis fort longtemps. Bref on voit de belles choses, on comprend tout, on a l'impression d'être plus intelligent en ressortant. C'est pour moi les seuls critères qui suffisent à faire la différence entre une exposition réussie et une exposition qui sent un peu l'arnaque.

L'essentiel des oeuvres provient soit du musée du Louvre, soit du musée de Cluny, soit encore d'églises de diverses provinces françaises, ce qui explique la centralisation de l'exposition sur la France. Cela se justifie par l'importance majeure de la France notamment dans l'art gothique, qui constitue la période centrale de l'exposition. On peut tout de même regretter l'absence de retables brabançons, très impressionnants et travaillés ainsi que celle de retables peints, assez peu nombreux par rapport aux retables sculptés. De même, pas un mot n'est dit sur le chef-d'oeuvre en la matière de la fin du Moyen Age, à savoir l'exceptionnel retable d'Issenheim, visible à Colmar (je vous en dirai un mot à l'occasion). Bref, léger regret, mais c'est vraiment pour ne m'éviter de chuter dans le dithyrambe que j'y recours, car dans l'ensemble cette exposition est plus que bonne et mérite d'y consacrer un peu de temps.

retable4
(Élément de retable : Scènes de la vie du Christ et de la Vierge et de l’histoire de Pyrame et Thysbé. Atelier des Embriachi Venise, XIVe-XVe siècle, bois, os, corne. Paris, musée de Cluny © RMN / Franck Raux)

Parisiens habitués ou non du Louvre, touristes de passages ou autres, si vous avez l'occasion, ça vaut le coup d'être vu. Et, cerise sur le gâteau, cette expo n'est pas outrageusement fréquentée, ce qui permet d'admirer bien plus sereinement les oeuvres!

NB: Toutes les images utilisées ont été honteusement trouvées sur le site http://www.liturgiecatholique.fr/

Publicité
Publicité
Commentaires
Nouvelle Feuille
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité