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Nouvelle Feuille
2 juin 2009

Un évènement passé inaperçu...

Les médias, tous occupés à glorifier M. Sarkozy, ne se sont pas fait l'écho, ou alors bien faiblement, d'un évènement religieux très important qui a lieu en France voici seulement quinze jours. Non, le Pape n'est pas revenu. Il s'agit d'un fondateur de religion qui se trouve désormais en France.

Il faut reconnaître qu'il n'est pas là physiquement, car le personnage en question est mort depuis 2500 ans au bas mot. Il s'agit du Bouddha historique, dont la France a l'insigne honneur d'accueillir les cendres, de façon définitive. Et curieusement, sans que je sache bien pourquoi, cela est passé quasiment inaperçu médiatiquement.

Il faut revenir un petit peu sur la genèse de cet évènement. Tout d'abord, pour vous renseigner un peu sur Bouddha, allez jeter un oeil à la page wikipedia qui lui est consacré.

Il se trouve qu'une partie des cendres de cet illustre personnage reposait sous un stûpa appartenant à sa famille, les Sakya. L'écroulement de ce stûpa, situé dans le nord de l'Inde, à la fin du XIXe s., on y découvre des reliques du Bouddha historique. Le gouverneur britannique de l'Inde décide de confier les saints restes à la Thaïlande, qui est alors le seul pays bouddhiste à ne pas être colonisé. Les reliques sont installées dans le Temple de la Montagne d'Or (Wat Saket) à Bangkok. Une prophétie est alors faite qui indique que les reliques quitteront l'Asie pour aller en Occident, 111 ans après.

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(Stûpa du Temple de Wat Saket à Bangkok, où se trouvaient les reliques du Bouddha)

Comme il y a des pays où l'on aime que les prophéties se réalisent, le Patriarche de Thaïlande a décidé, avec l'approbation des bouddhistes d'Asie, d'offrir ces reliques à l'Occident et a choisi la France pour les accueillir (pour deux raisons a priori: pour ce que symbolise la France au niveau des Droits de l'Homme et parce que la France accueille la plus forte et la plus diversifiée des communautés bouddhistes occidentales). C'est un honneur immense qui est fait à notre pays.

Du 15 au 17 mai, de nombreuses cérémonies ont donc eu lieu à Paris et à Vincennes, où vont désormais reposer les vénérables reliques, dans la Grande Pagode du Bois de Vincennes. Et pas l'ombre d'un président de la République ou d'un ministre quelconque lors de ces cérémonies. Les bouddhistes ne sont sans doute pas assez nombreux pour représenter un enjeu électoral. Si ça avait été Mahomet, Jésus ou un quelconque prophète juif, nous les eussions entendu ces politiciens, se battre pour récupérer l'évènement.

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(Grande Pagode de Vincennes, où se trouvent désormais les reliques)

Bref. Toujours est-il que cela est un évènement plutôt important passé inaperçu, mais qui me donne l'occasion, à la suite du Patriarche de Thaïlande, qui souhaite "renforcer les liens de transmission et de partage qui se tissent entre ces cultures depuis plusieurs décennies", de revenir sur plusieurs siècles de relations franco-thaïlandaises!

En effet, on l'oublie souvent, mais la Thaïlande est sûrement un des rares pays d'extrème-Orient avec lequel la France entretient des relations d'aussi longue date. Dès la fin du XVIIe siècle, les envois d'ambassades entre la France et le Siam se font importantes, sous l'impulsion des Jésuites et de Louis XIV*. L'arrivée des ambassadeurs du Siam à la cour de Versailles a laissé beaucoup de traces dans les mémoires du temps! Qu'on s'imagine l'exotisme invraisemblable que pouvait représenter ces personnages.

Voici ce qu'en dit le Baron de Breteuil dans ses Mémoires:
"Après s’être lavés selon leur coutume, ils mirent des bonnets de mousseline, faits en pyramides, au bas desquels étoient des couronnes d’or larges de deux doigts, qui marquoient leurs dignités ; de ces couronnes, il sortoit des fleurs, des feuilles d’or minces, ou quelques rubis en forme de grains. Ces feuilles étoient si légères, que le moindre mouvement les agitoit. Le troisième ambassadeur n’avoit point de fleurs au cercle d’or de sa couronne. Les huit mandarins avoient une pareille coiffure de mousseline sans couronne.
On avoit préparé au bout de la grande galerie du château, du côté de l’appartement de Mme la dauphine, un trône élevé de six degrés, le tout couvert d’un tapis de Perse à fond d’or, enrichi de fleurs d’argent et de soie. Sur les degrés, on avoit placé de grandes torchères et de grands guéridons d’argent ; au bas du trône, à droite et à gauche, en avant, on avoit mis, d’espace en espace, de grandes cassolettes d’argent, chargées de vases d’argent. On avoit ménagé un espace vide de quatre à cinq toises, où les mandarins qui étoient à la suite des ambassadeurs pussent être pendant l’audience, sans être pressés par les courtisans."
(L'intégralité du texte se trouve ici)

De même quelques voyageurs français, essentiellement des Jésuites, ont laissé des récits de leur voyage au Siam**, ce royaume bien mystérieux dont les ambassades réciproques entre le roi Phra Naraï et Louis XIV devaient donner à chacun l'impression de rayonner jusqu'aux confins du monde connu...

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(Réception des ambassadeurs de Siam à Versailles, gravure française. Il est vivement conseillé d'agrandir l'image)

* Lucien Bély étudie en quelques pages ces fugitives mais très marquantes ambassades extraordinaires dans L'art de la paix en Europe, Puf, 2007, pp. 352-357.

** On consultera avec profit le récit du Comte de Forbin, qui dirigea une petite garnison accompagnant l'ambassade de 1687 au Siam ainsi que celui de l'Abbé de Choisy, qui résida dans ce royaume en 1685. Ce dernier a été réédité ces dernières années et se trouve sans doute encore facilement en librairies.

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