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Nouvelle Feuille
27 septembre 2010

Journées du patrimoine (II): L'enfer de Matignon

Le dimanche matin, nous nous sommes levés de relativement bonne heure et comme nous aimons faire la queue, nous sommes allés à l'hôtel de Matignon... La résidence du premier ministre ouvrait à 10h00, nous sommes arrivés à 9h30. Et nous sommes entrés un peu avant 11h00. Long, certes, mais c'est finalement passé assez vite (surtout quand on sait que ceux qui sont allés à l'Elysée ont poireauté environ 5 heures!).

Pour se distraire, nous avons regardé un peu les jolis hôtels particuliers du quartier, tous bâtis aux XVIIe et XVIIIe s. quand la noblesse et la haute société en général s'est mise à trouver beaucoup d'intérêt à s'installer dans ce coin.

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(Juste en face de Matignon)

Enfin nous entrons. La fouille est peu intrusive, mais pas survolée pour autant: nous passons sous le portique à métaux et nos bagages aux rayons X, soit rien que de très habituel. La suite l'est un peu moins: des gendarmes regardent nos sacs et nous demandent deux choses étonnantes: boire une gorgée de notre bouteille d'eau et prendre une photo (j'ai pris le gendarme en question...) C'est ainsi que ça devrait se passer dans les aéroports, plutôt que de la manière très pénible en vogue actuellement qui vise surtout à faire passer le bon peuple pour de dangereux terroristes. Enfin bref.

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(Cour d'honneur)

Nous accédons à la belle cour d'honneur, en fer-à-cheval, à l'apparence classique mais au décor assez exubérant, en particulier dans les détails et dans l'aspect cocasse des nombreux mascarons, qui rappellent un peu la ville de Bordeaux.

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(Mascaron)

A cet endroit, un guide nous explique l'historique du bâtiment, construit en 1719 par le Prince de Tingry, mais revendu dès 1723 à Jacques de Matignon, Prince de Monaco. L'hôtel connaît ensuite pas mal de propriétaires successifs, le dernier étant l'empire austro-hongrois qui y établit son ambassade et y organise de nombreuses fêtes dans le jardin. L'Etat français le rachète en 1922 et quelques années plus tard, il devient la résidence officielle des Présidents du Conseil (puis Premiers Ministres à partir de la Ve République).

Nous pénétrons ensuite dans l'hôtel par le grand escalier, décoré de marbre peint et orné d'une belle rampe en fer forger du XVIIIe s. Sur le mur le long de l'escalier, les portraits des prédécesseurs de François Fillon (sous la Ve République) sont accrochés par ordre chronologique (à l'exception de Jacques Chirac, deux fois premier ministre mais dont le portrait n'est affiché qu'une fois).

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(Grand Escalier)

En haut de l'escalier se trouve l'antichambre du Premier Ministre. Elle est décorée pour partie dans le style Empire (une table en marbre, une pendule) et pour partie par la confrontation entre des tapisseries du XVIIe s. et d'autres du XXe s. d'après Jean Arp.

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(Antichambre du premier étage, pendule)

Il faut savoir que pour cette salle comme pour toutes les autres, chaque Premier Ministre a toute latitude pour en choisir l'ameublement et la décoration en piochant dans le mobilier national. Il semble que M. Fillon, de l'aveu du personnel présent pour ces journées du patrimoine, n'ait rien touché dans l'antichambre qui est décorée selon les choix de son prédécesseur Dominique de Villepin.

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(Antichambre, Tapisseries du XVIIe et du XXe s.)

L'antichambre donne, bien entendu, sur le saint des saints de l'hôtel Matignon: le bureau du Premier Ministre. Nous n'avions que peu de temps pour admirer le bureau. Je ne me suis donc pas spécialement attardé sur le bureau proprement dit, un vaste meuble contemporain assez épuré, encombré de tas de bouquins et d'objets sans nul doute bien choisis en amont par des conseillers en communication. Je suis donc incapable de vous dire à quelles lectures M. Fillon s'adonne ou prétend s'adonner à ses heures perdues. En face du bureau, sur la cheminée, trône une horloge, encadrée des portraits du grand Charles et du petit Nicolas... Grandeur et décadence de la France.

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(Bureau du Premier Ministre)

Au-delà de l'aspect "lieu de pouvoir" que représente ce bureau, il possède aussi un grand intérêt artistique, par sa décoration de stucs dorés d'une part mais surtout par ses peintures situées au-dessus des trois portes du bureau et réalisées par Fragonard, placées là par la duchesse de Galliera au XIXe s. On regrettera simplement de ne pouvoir réellement les admirer par manque de recul, de possibilité de circuler dans le bureau et de temps.

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(Tableau de Fragonard, bureau du Premier Ministre)

Un peu partout dans l'hôtel, on croise des gardes républicains bardés de médailles et tirés à quatre épingles.

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(Un garde républicain)

La suite de la visite se fait au rez-de-chaussée. Nous descendons donc dans la salle du Conseil, où se tient le Conseil du cabinet du premier ministre, en parallèle au Conseil des ministres qui se déroule à l'Elysée le mercredi matin. Cette salle est très belle par ses stucs et ses boiseries. Tout l'art ornemental baroque s'y déploie élégamment.

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(Salle du Conseil)

Au mur, niché dans les boiseries, se trouvent des médaillons blancs inspirés des fables de La Fontaine. Avant de servir de réceptacle aux discussions du cabinet du premier ministre, il semble que cette salle de belles dimensions servait aux dîners des Galliera.

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(Fable de La Fontaine, Salle du Conseil)

Les trois derniers salons sont dominés chacun par une couleur, respectivement le jaune, le bleu et le rouge. A mon sens, le bleu est le plus remarquable. Je passe rapidement sur le salon jaune, qui est très décoré comme l'ensemble de l'hôtel. Il m'a paru moins exceptionnel que les pièces suivantes, malgré la présence d'une très belle tapisserie des Gobelins représentant la naissance de Diane et Apollon d'après Mignard.

Le salon suivant est le salon bleu, sans doute le plus intéressant par ses chinoiseries réalisées par Huet (célèbre peintre animalier déjà évoqué dans l'article sur le château de Chantilly).

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(Salon bleu)

Si cette pièce me plaît tant, c'est qu'elle témoigne de ce goût de l'exotisme si présent au XVIIIe s. Ce décor de chinoiseries est assez rare dans un aussi bel état de conservation, et cette pièce prend tout son sens dans cet hôtel qui a conservé l'essentiel de son décor d'époque Régence, agrémenté simplement de-ci de-là d'éléments de la fin du XVIIIe ou du XIXe s, mais jamais dénaturé. C'est cette cohérence rare en France pour cette époque précise et émaillée de morceaux de bravoure comme ce salon bleu qui donne sa valeur à l'ensemble, bien loin au-delà de son utilisation officielle.

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(Salon bleu)

Le salon rouge, qui fait suite au bleu, est d'inspiration bien plus XIXe s. Il s'agit rien de moins que de l'ancienne salle du trône des Princes de Monaco! Si le décor de bois doré est du XVIIIe s., les peintures allégoriques au-dessus des portes sont du XIXe s. et réalisées par Pierre-Nicolas Brisset à la demande du duc et de la duchesse de Galliera. Il en va de même pour les médaillons de pierre qui arborent le chiffre du couple en question.

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(Peinture de Pierre-Nicolas Brisset, Salon rouge)

La visite intérieure s'achève là. Nous entrons ensuite dans le plus grand jardin de Paris. Hélas, nous n'y déambulons pas librement, mais enfin. Le chef jardinier du lieu nous explique rapidement l'historique dudit jardin. L'une des intéressantes explications concerne la disposition d'un grand gazon dégagé autour duquel s'articule, de part et d'autre, une alternance d'arbres et de parties en pelouse. Cela a été voulu quand l'ambassade d'Autriche-Hongrie occupait l'hôtel: l'on installait les tables de banquet entre les arbres, pour avoir de l'ombre et au milieu, l'espace dégagé servait pour que l'on puisse y danser à l'aise.

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(Jardins de Matignon)

Depuis la terrasse du jardin, on appréhende plutôt correctement la belle façade de l'hôtel. Au premier étage, le balcon est celui du bureau du Premier Ministre. Des fois, ça ne doit pas faire de mal de pouvoir respirer un grand coup...

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(Hôtel de Matignon, façade sur jardin)

La balade s'achève par le tour des jardins, organisé autour d'une tradition anecdotique et sympathique: celle, pour chaque premier ministre depuis Raymond Barre, de planter un arbre dans le jardin. On découvre ainsi les différents choix d'essence opérés par les différents chefs de gouvernement

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(Cliquez pour agrandir si besoin)

Une curiosité à laquelle personne n'a été fichu de nous répondre: le seul Premier Ministre qui n'a pas sacrifié à cette tradition est Jacques Chirac lorsqu'il exerça la fonction pour la seconde fois, entre 1986 et 1988. Si quelqu'un qui passe sur ce blog connaît l'explication, si tant est qu'il y en ait une...

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(Chêne pédonculé, planté par Dominique de Villepin en 2005)

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