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Nouvelle Feuille
27 mars 2011

Lyon (II): La route de la soie

Le lendemain matin, je pars en longeant le quai St-Vincent, qui offre de belles vues sur le Vieux Lyon et la Saône où se reflètent ses belles maisons colorées.

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(Vieux Lyon vu depuis le quai Saint Vincent)

 

Quand les vues sur le Vieux Lyon deviennent moins jolies, je décide d'emprunter un étroit passage plein d'escalier qui prend le long du quai. Je me retrouve un peu plus haut, dans une sorte de petit parc qui offre de belles vues sur la ville.

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(Passage Gonin)

 

Après une bonne petite balade par là haut, je me trouve face au fort Saint-Jean, un ancien bastion défensif du XVIe s. rebâti au milieu du XIXe s. Il abrite aujourd'hui l'Ecole nationale du Trésor. Une fois parvenu là, je décide de redescendre vers la Saône.

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(Fort St-Jean)

 

Le long du quai, je passe devant les Subsistances, un ancien couvent de Visitandines transformé et agrandi au XIXe s. pour en faire des "Subsistances militaires", c'est à dire un lieu de production et de manutention (farine, pain, café, tabac...) pour l'Armée. Le lieu, abandonné par les militaires à la fin du XXe s., abrite aujourd'hui une sorte de résidence d'artistes ainsi que l'Ecole des Beaux-Arts de Lyon. 

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(Les Subsistances)

 

Je remonte le quai en direction de la place des Terreaux. Rien de vraiment exceptionnel donc au terme de cette promenade tout de même très agréable. Sur les quais, j'ai remarqué de curieux urinoirs publics au style vaguement Art déco (si quelqu'un en sait plus sur ces édicules installés à la vue de tous, je suis preneur...)

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(Sur les quais, en cas de besoin...)

 

J'arrive face à l'immense "Fresque des Lyonnais", déjà aperçue la veille mais pas franchement détaillée. Réalisée par la Cité de la Création, elle représente en trompe-l'oeil toute une galerie de Lyonnais célèbres, accoudés à des fenêtres et balcons, depuis les débuts de la ville (l'empereur Claude, Ste Blandine) jusqu'aux périodes récentes (Saint-Exupéry, Tony Garnier). 

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(Fresque des Lyonnais)

 

Au rez-de-chaussée, ce sont des contemporains qui animent l'immeuble. Ils sont de tout poil, de l'abbé Pierre au footballeur Bernard Lacombe... 

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(Fresque des Lyonnais: l'Abbé Pierre, Bernard Lacombe)

 

... à Paul Bocuse, Pape de la gastronomie...

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(Fresque des Lyonnais: Paul Bocuse, attablé: Frédéric Dard)

 

en passant par Bernard Pivot, qui sort bien entendu de la librairie!

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(Fresque des Lyonnais: Bernard Pivot)

 

Aujourd'hui, je n'aurai pas le courage de la veille. Et la montée à la Croix-Rousse ne sera pas celle à Fourvière: je prends le métro! Le métro débouche sur le plateau de la colline de la Croix-Rousse, sur une place où se dresse fièrement la statue de Jacquard, le génial inventeur du métier à tisser à base de cartes perforées et qui porte son nom. Et dont l'invention, qui gagnait du temps et de la main-d'oeuvre, fut l'une des raisons des terribles révoltes sociales des Canuts au XIXe s.

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(Statue de Joseph-Marie Jacquard, place de la Croix-Rousse)

 

Un peu plus loin, un autre grand mur aveugle est orné d'une autre fresque, consacrée celle-ci au travail de la soie en général et aux Canuts en particulier. Il faut dire que la Croix-Rousse, "la colline qui travaille", c'est le quartier des Canuts, du travail de la soie et des luttes sociales et ce sera un peu le fil (de soie) conducteur de ma promenade au sommet de la colline.

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(Mur des Canuts)

 

Si par endroits le charme du quartier des Canuts a été écorné par des barres d'habitation assez laides, certaines rues et placettes gardent un aspect "villageois" et populaire, très agréable avec ses maisons colorées et peu élevées. 

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(Place de la Croix-Rousse)

 

Suivant les instructions de mon guide, je découvre ensuite un lieu particulièrement intéressant: la Maison des Canuts. Ce petit musée présente les techniques de fabrication de la soie dans la région lyonnaise et comporte aussi une petite boutique proposant divers articles en soie tissés sur place par l'association qui gère le musée, avec un métier Jacquard, le seul encore en fonctionnement à Lyon.

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(Métier à tisser Jacquard)

 

Les différentes étapes de la création d'une pièce de soie sont bien évoqués, aussi bien au niveau des techniques qu'au niveau artistique (esquisse du motif, mise en carte, etc). Cependant, sans la visite guidée, que je n'avais ni vraiment le temps ni vraiment l'envie de faire, tout comprendre parfaitement se révèle un peu ardu.

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(Livre d'échantillons, XIXe s.)

 

On peut aussi regretter que l'histoire des révoltes des Canuts ne soit qu'effleurée, au moyen d'une ordonnance sur le tarif de la soie et par ce drapeau avec la devise des Canuts.

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(Drapeau canut)

 

Certaines machines sont étonnantes, comme ce rouet de guimperie qui sert, si j'ai bien compris, à enrouler l'or autour du fil de soie pour obtenir un fil d'or très utilisé pour les galons, épaulettes et dans nombre de vêtements religieux. Cette machine date tout de même du Second Empire, comme en témoignent les aigles qui l'encadrent. 

Guimperie

(Rouet de Guimperie, 2nd Empire)

 

Une petite salle didactique explique le processus de fabrication du fil de soie, depuis le nourrissage des vers à soie jusqu'à l'obtention du fil de soie en passant par l'ébouillantement et le dévidage des fameux cocons. 

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(Cocons de soie)

 

En ce qui concerne l'ébouillantement de ces pauvres petites larves qui ne demandaient rien à personne, chaudement logées dans leur cocon de soie, on peut admirer une très belle étuve du milieu du XIXe s., à décor de chinoiseries. Cette étuve servait à faire évaporer l'eau présente dans la soie après l'ébouillantement, et à en déterminer le poids, qui sera vérifié dans un établissement spécial : la Condition publique des Soies. Nous y reviendrons d'ici quelques lignes.

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(Etuve, milieu XIXe s.)

 

Un petit tour à la boutique permet l'achat de jolies pièces de soie, tissées sur place, et la plupart de teintes unies et plutôt passe-partout. On vous accroche au ruban qui ferme le papier cadeau un petit cocon de soie, qui laisse échapper le bruit sec de la bestiole morte à l'intérieur lorsqu'on le secoue.

 

Je redescends ensuite vers les quais, mais ceux du Rhône cette fois-ci, non sans passer voir le "Gros-Caillou", un truc paraît-il emblématique de la ville... Bon, en fait il n'est pas si "gros" que ça et trône au sommet d'un espace vert sans intérêt particulier. 

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(Le Gros-Caillou)

 

Je descends ensuite une énième volée d'escaliers pour arriver dans une jolie rue qui traboule agréablement vers les quais du Rhône où se dressent quelques immeubles bâtis par Soufflot. Depuis là, je repars vers l'Opéra et la place des Terreaux, en passant devant une statue du sculpteur César.

La place des Terreaux sera mon point de départ pour ma seconde promenade à la Croix-Rousse, mais cette fois-ci sur les pentes de la colline. Autant dire que le parcours ne sera que montées et descentes...

Premier arrêt à la Condition Publique des Soies dont je vous parlais plus haut. La soie s'achetait au poids et pour garantir la sincérité d'une transaction, le besoin d'un lieu de pesage indépendant s'est fait sentir dès le XVIIIe s. Sous le Premier Empire, on créé à Lyon une Condition unique des Soies où les poids et taux d'humidité sont vérifiés.

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(Entrée de la Condition publique des Soies)

 

Je grimpe pas mal de ruelles à escaliers et traversent quelques traboules dans les rues tranquilles des pentes de la Croix-Rousse, jusqu'à la rue des Tables Claudiennes. Là, au numéro 55, une première traboule pleine d'escaliers me mène à la rue Imbert-Colomès... 

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(Devanture, rue des Tables Claudiennes)

 

... et à peine arrivée dans cette rue, la traboule ouverte juste en face me fait d'abord prendre un escalier puis traverser un petit secteur pavé avant de prendre brusquement une autre série d'escaliers sur la gauche pour débarquer dans la Cour des Voraces.

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(Cour des Voraces)

 

Cette cour, avec son impressionnant escalier, était le lieu de réunion d'une confrérie de Canuts, les Voraces, parmi les meneurs les plus radicaux de la révolte de 1848, date à laquelle ils se rendirent maîtres de la ville pendant plusieurs mois.  

 

Un peu plus bas, après la descente de la Grande Côte, on abouti à une sorte de tout petit parc appellé "Jardins des Plantes". Ce lieu servait en effet surtout aux étudiants des beaux-arts qui se destinaient à travailler pour la création des motifs de soieries, motifs souvent floraux... Juste à côté, se trouve l'Amphithéâtre des Trois Gaules, incomplètement dégagé mais très chargé symboliquement.

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(Amphithéâtre des Trois Gaules)

 

C'est en effet dans ce lieu édifié au début du Ier siècle qu'ont été persécutés en 177 les fameux martyrs chrétiens de Lyon, dont la très célèbre Sainte Blandine. Un poteau de bois signale le lieu exact du martyre de la pauvre femme aux talents de dompteuse. Tout près se trouvait l'autel fédéral des Trois Gaules, édifié en l'an 12 pour servir de lieu de réunion aux délégués des 60 nations gauloises.

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(Lieu du martyre de Sainte Blandine)

 

Ma descente se poursuit par un bel escalier et une jolie place où, tout aussi placides que ceux de la Blandine susnommée, deux lions crachotent gentiment de l'eau fraîche. 

Fontaine

(Gentille bestiole...)

 

Je retrouve ensuite la place des Terreaux pour y grignoter un sandwich, avant de repartir, mais pas tout seul cette fois, vers le Vieux Lyon et plus particulièrement les musées Gadagne.

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(Une boutique-musée de marionnettes et d'automates, dans le Vieux Lyon)

 

Les musées Gadagne, avant d'être un ensemble de collection dédiées d'une part à l'histoire de Lyon et d'une autre aux marionnettes, c'est un lieu, l'hôtel Gadagne, superbe ensemble renaissance, patiemment racheté et réhabilité par la ville pour y installer ce musée. Profondèment restauré et remanié pendant plus de dix ans, le musée, fermé en 1998 a rouvert ses portes seulement en 2009.

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(Cour des musées Gadagne)

 

L'hôtel, dont l'état a été restitué fidèlement à l'aide de chaux et d'ocre, a été édifié au début du XVIe s. par la famille Pierrevive, mais il doit son nom à la riche famille de banquiers florentins, les Guadagni, qui l'occupe et le remanie au milieu du XVIe s.

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(Jean Vérot, Thomas II Gadagne (1495-1543), Marbre, début XXe s.)

 

Avant la famille qui lui a donné son nom, le site a livré les traces d'une occupation discontinue remontant à la période romaine. Quelques objets exposés en témoignent, dont un buste en marbre de l'époque d'Auguste trouvé lors des fouilles de la cour. Là dessus commence le premier musée, celui consacré à l'histoire de la ville de Lyon.

Bien entendu, l'époque romaine est évoquée, mais relativement succinctement; en effet, la plupart des nombreux résultats issus des fouilles de la Lugdunum romaine, capitale des Gaules, se trouvent au musée gallo-romain et pas à Gadagne!

On passe ensuite dans une petite exposition temporaire du Turak Théâtre qui met en scène des tas d'objets animés. L'ensemble est sympathique mais assez difficile à expliquer; le mieux est de jeter un oeil ici.

Les salles consacrées à l'art médiéval, en particulier roman, sont particulièrement riches et intéressantes. Elles s'attardent surtout sur la figure de l'évêque Leidrade, nommé par Charlemagne, et qui fut le principal rénovateur de la ville aussi bien au niveau politique et moral qu'en ce qui concerne l'architecture: il fait relever nombre d'églises détruites lors des raids sarrasins.

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(Ours, élément d'un bas-relief de l'abbaye de l'Île Barbe, XIe s.)

 

Leidrade contribue semble-t-il fortement au redressement de la ville et à son rôle politique et économique majeur retrouvé. Lyon semble avoir fait partie des grands projets d'urbanisme de Charlemagne qui souhaitait en faire une capitale religieuse de grande ampleur, comme en témoigne notamment la restauration de l'abbaye de l'Île Barbe, sur la Saône, au nord de Lyon. Le souvenir de l'Empereur a perduré pendant des siècles au sein de l'abbaye, (finalement largement ruinée et détruite pendant les Guerres de Religion, il n'en reste plus aujourd'hui que l'église romane et quelques vestiges). 

Le pari de Charlemagne sur Lyon est une réussite, la richesse et la beauté des collections de sculpture romane en témoigne.

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("Couronne de Charlemagne", élément architectural indéterminé, Abbaye de l'Île Barbe, fin XIIe s.)

 

Aux XIIe et XIIIe s., les évêques ont fortement affirmé leur pouvoir, les abbayes possèdent un rayonnement intellectuel formidable et les marchands commencent à s'intéresser sérieusement à cette ville idéalement située, à la fois proche des frontières politiques et placée sur un site de confluence exceptionnel. Lyon accueille même deux conciles, en 1245 et 1274. Cependant, en 1348, la Peste Noire frappe la ville et décime la population. Il faut attendre plus d'un siècle pour que la ville se relève.

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(Rinceaux et animaux, bas-relief de l'église St-Pierre le Vieux, XIIe s.)

 

La visite, outre l'intérêt des collections, permet de découvrir de l'intérieur un superbe logis des XVIe et XVIIe s. qui a vraiment bénéficié d'une restauration remarquable. Quelques éléments réellement exceptionnels montrent la grande richesse des bâtisseurs de cet hôtel particulier, notamment l'escalier d'honneur ou cette cheminée monumentale qui se trouve à son emplacement d'origine dans la salle consacrée à la Renaissance et à l'imprimerie à Lyon. 

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(Cheminée monumentale, XVIe s.)

 

Lyon, à la croisée des influences françaises, italiennes et germaniques, devient très rapidement l'une des premières villes d'Europe en ce qui concerne l'imprimerie. Si cette imprimerie sert bien entendu de très nobles desseins littéraires, religieux, poétiques, philosophiques ou scientifiques, il semble, si l'on en juge par l'importance des feuilles exposées, que l'une des plus profitables activités ait été l'impression de cartes à jouer... La ville a d'ailleurs obtenu le monopole de leur impression en France au XVe s.

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(Pierre Romain (actif à Lyon entre 1529 et 1545), Feuille de moulage de dix cartes (détail), Gravure sur bois, Lyon, XVIe s.)

 

Mais au tournant des XVe et XVIe s., Lyon, c'est aussi LA ville marchande, la ville de foire où accourent les marchands de toute l'Europe occidentale, à tel point que le pouvoir des évêques s'affaiblit pour laisser place à un Consulat des marchands qui devient le véritable pouvoir de la ville. Quatre foires se tiennent chaque année à Lyon, par privilège royal. La ville prend en effet une importance toute spéciale dans la stratégie des rois de France à l'occasion des Guerres d'Italie. Au XVIe s., elle compte environ 70 000 habitants, ce qui en fait déjà la seconde ville du royaume. 

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(Boîte de changeur, Lyon, fin XVIIe s.)

 

Lyon connaît à cette époque, par la présence de marchands venus d'Italie, une influence italienne majeure qui se traduit notamment dans l'architecture et la décoration. La ville devient également un centre intellectuel important, avec la présence de poètes majeurs comme Maurice Scève ou Louise Labé. Mais le milieu du XVIe s., avec la Réforme calviniste qui se répand précocement et les Guerres de Religion qui arrivent, est une période troublée pour Lyon, qui connaîtra les affres de la guerre civile et les destructions par les troupes du cruel Baron des Adrets.

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(Pierre tombale, motif non identifié, peut-être une résurrection des morts?, Rue des Anges, Saint-Just, 1530)

 

L'administration du Consulat est réformée par Henri IV qui se méfie de cette ville longtemps fidèle à la Ligue; toutefois, pas rancunier, il choisit cette ville pour son mariage avec Marie de Médicis en 1600. La ville se développe encore aux XVIIe et XVIIIe s., sous la double impulsion de la monarchie et du Consulat. Louis XIV fait notamment rebâtir l'Hôtel de Ville et transforme la place Bellecour une place royale classique en 1713. Plusieurs pièces évoquent de belle façon les relations entre la monarchie et la ville.

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(Maquette de l'Hôtel de Ville après les restaurations des années 1700-1703, fin XVIIIe s.)

 

Mais Lyon - c'est un peu, a posteriori, le fil rouge de cette journée - c'est aussi et surtout une histoire de soie. Le musée Gadagne ne pouvait bien entendu pas passer à côté. L'histoire de la soierie lyonnaise et de ses corollaires: pré-industrialisation et concentration ouvrière sont évoquées notamment par un métier à tisser datant d'avant l'invention de Jacquard. 

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(Métier à la grande tire, Lyon, XVIIe s.)

 

Au niveau urbanistique, la fin du XVIIIe est une période de grands travaux et d'aménagements qui voit la ville s'étendre au-delà de ses limites. Des architectes comme Morand ou Perrache façonne de nouveaux espaces gagnés sur la rive gauche et par l'extension de la Presqu'île qui repousse le confluent plus au sud. Le célèbre architecte Soufflot met également son grain de sel en construisant le quai Saint-Clair et l'Hôtel-Dieu.

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(Billet du pont de bois sur le Rhône, fin XVIIIe s.)

 

Un peu plus loin, une chambre à coucher du XVIIIe s. est superbement reconstituée. Détail subtil du raffinement de la vie aristocratique de l'époque: une chocolatière... 

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(Une partie de la chambre à coucher reconstituée)

 

Un certain nombre de salles évoquent ensuite la Révolution à Lyon, période troublée où la ville fut toujours en opposition avec Paris : radicale au début, elle se modère alors que Paris tombe dans la Terreur, ce qui aboutit au siège de Lyon en 1793. Plusieurs objets très symboliques évoquent cette période très dure: du "pain du siège", une pique, un couperet de guillotine, des bonnets phrygiens, etc... le tout sous un superbe plafond peint du XVIIe s. (qui est hélas la seule photo à peu près correcte que j'ai pu faire dans cette salle). 

Plafond

(Plafond peint, XVIIe s.)

 

 Les salles suivantes, qui traitent du Premier Empire et des luttes sociales des Canuts, m'ont moins fasciné, malgré les beaux lits de Napoléon et Joséphine. J'ai trouvé que la vie des Canuts était assez faiblement illustrée malgré la présence d'un autre métier à tisser dont se servaient les Canuts, qui travaillaient souvent au dernier étage des maisons; l'unité de travail est encore essentiellement familiale.

Les salles suivantes sont assez réduites en espace et plus ou moins intéressantes; elles sont consacrées notamment à la Franc-Maçonnerie et au compagnonnage. La suite évoque le développement industriel de la ville dans la seconde moitié du XIXe s. : soierie bien sûr, mais aussi industrie chimique, pharmaceutique et l'invention majeure de deux industriels lyonnais: le cinématographe. 

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(Au tout Lyon, Huile sur toile, Lyon, fin XIXe s.)

 

Une dernière section est consacrée au XXe s., sous trois angles: les guerres mondiales (dont la Résistance et l'arrestation de Jean Moulin en banlieue lyonnaise) et les opérations urbanistiques du XXe s. (quartier de la Part-Dieu, gratte-ciel de Villeurbanne, etc) sont rapidement traités. C'est la vie politique lyonnaise qui se taille la part du... lion, avec notamment tout ce qui a trait à la vie du charismatique Edouard Herriot, maire de la ville de 1905 à 1942 puis de 1945 à sa mort en 1957 et important homme politique au niveau national.

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(Habit d'académicien d'Edouard Herriot)

 

C'est la fin de la visite du très instructif musée d'histoire de Lyon, mais pas de l'ensemble du musée. Il reste la seconde partie, plus petite, consacrée aux marionnettes du monde. A l'origine, ce musée n'existait pas; les collections de marionnettes étaient essentiellement lyonnaises et trouvaient leur place dans le musée d'histoire de Lyon. Puis, dans les années 1950, il a été décidé d'amplifier ces collections, de leur donner un espace à part et surtout d'ouvrir le musée au-delà des collections lyonnaises et françaises pour traiter des marionnettes ailleurs en Europe et dans le monde. Petit tour rapide... 

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(Gnafron, Madelon et Guignol, Marionnettes de Laurent Mourguet, Lyon, vers 1808)

 

 Bien entendu, à tout seigneur tout honneur, l'exposition commence par Guignol, invention du lyonnais Laurent Mourguet (1769-1844). Ce canut sans travail essaye de s'en sortir en présentant un spectacle de polichinelle; puis, lui vient l'idée de génie: créer une marionnette à son image: gouailleuse, irrévérencieuse, au parler lyonnais savoureux et souffrant des mêmes difficultés que le public auquel il s'adresse. Très vite, il connaît le succès et beaucoup l'imitent et reprennent son Guignol. Les successeurs de Mourguet, notamment Josserand, connaissent un grand succès populaire sous le Second Empire, à tel point que la censure exige de surveiller les textes avant les représentations. 

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(Alexandre-François Bonnardel, Frédéric Josserand (1867-1942) et Guignol, Lyon, début XXe s.)

 

La muséographie est intelligente: partant de Lyon et son fameux Guignol, elle élargit progressivement son propos: d'abord les autres marionnettes françaises, puis les différents pays d'Europe et enfin le reste du monde. 

Parmi les marionnettes français, il y a surtout celles qui sont très liées à un contexte régional, sortes de cousins de Guignol qui connaissent un grand succès local. Et puis il y a les jardins et parcs parisiens (Buttes Chaumont, Luxembourg), qui se dotent à la fin du XIXe s. de théâtres de marionnettes, qui reprennent souvent Guignol.

Parmi les curiosités, signalons les créations, au XXe s., du lorrain Géo Condé, qui installe d'abord à Nancy, puis à Paris un théâtre de marionnettes en fils de laine. Il semble avoir surtout représenté des contes populaires (Le Petit Poucet) ou des légendes liées à sa région d'origine (Légende de Saint Nicolas). 

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(Géo Condé (1891-1980), Le boucher de la légende de Saint Nicolas, Nancy, 1939-1946)

 

Je signale, juste pour le plaisir, la laideur volontairement caricaturale de certaines marionnettes, comme cette abominable "anglaise".

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(Anglaise, Paris, Théâtre de Séraphin?, début XXe s.)

 

 Rapidement, on évoque la marionnette à l'heure actuelle, dans sa version télévisée, avec notamment les Guignols de l'info, dont un des masques, celui de Raymond Barre, est présenté. On aurait aimé avoir à côté une des marionnettes du défunt Bébête Show.  

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(Alain Duverne, Raymond Barre (1924-2007), marionnette des Guignols de l'Info, retirage 2008)

 

De même que l'on regrettera, dans les salles "internationales", que ne soient pas évoquées les marionnettes américaines et plus particulièrement au cinéma; je pense notamment au merveilleux travail de Jim Henson, créateur du Muppet Show et de Dark Crystal. Cela peut hélas toutefois se comprendre, Hollywood étant en général assez tâtillon pour prêter ses créations...

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(Louis Valdès (1922-1965), Pierrot le marionnettiste, Marionnette utilisée dans l'émission La piste aux étoiles vers 1950)

 

Une grande salle présente ensuite un bon nombre de marionnettes de la plupart des pays d'Europe et alentours: Allemagne, Angleterre, Belgique, Pays-Bas, Tchéquie, Russie, Grèce et théâtre d'ombre turc (Karagöz). Et bien entendu les superbes marionnettes italiennes, où la tradition paraît très ancienne et illustre des histoires de Commedia del'Arte en Vénétie et des choses plus édifiantes et héroïques dans le sud (Pouilles, Sicile, Naples), comme le Roland Furieux.

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(Orlando, Sicile, XIXe s.)

 

 Les marionnettes du reste du monde sont essentiellement asiatiques. Il s'agit pour la plupart de marionnettes de théâtre d'ombre, un art qui se retrouve dans l'ensemble de l'Asie du Sud-Est (Inde, Cambodge, Thaïlande, Indonésie) et en Chine.

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(Airavata, l'éléphant, Entachit et Anujit, Scène du Reamker, Cambodge, début XXe s.)

 

Le musée Gadagne possède surtout des grands cuirs découpés du Cambodge (Nang Sbek Thom) et des marionnettes indonésiennes, qui représentent des scènes issus des versions locales de la grande épopée indienne du Ramayana. 

Java possède aussi des marionnettes articulées qui servent plutôt à la représentation de l'autre épopée indienne, le Mahabharata et, après l'implantation de l'Islam, de scène de la vie de Mahomet.

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(Deux marionnettes: un prince de l'armée des singes et un yogi méditant sous un arbre, Java, vers 1850)

 

L'ultime salle du musée (et l'état de la batterie de mon appareil photo la remercie d'être la dernière), ne présente que deux marionnettes. L'une est une marionnette japonaise articulée du théâtre traditionnel bunraku, tandis que l'autre est africaine, en l'occurence togolaise. En Afrique, ce type de marionnette n'est utilisée que dans des circonstances très particulières de la vie de la communauté et qui varient selon le peuple. 

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(Baat ou Cambaa, Chef de village et son homme de confiance, Togo, XXe s., Théâtre National du Togo)

 

Voilà pour cette journée intensive à Lyon. Si vous voulez approfondir un peu sur les musées Gadagne, je ne peux que vous conseiller un tour sur leur site web et plus particulièrement les fiches des salles du musée des marionnettes

Et le lendemain, au programme, encore du musée!

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Commentaires
A
C'était l'autre hypothèse du cartel. Cependant, je suis un peu ennuyé en cela qu'une danse macabre, si je ne dis pas d'âneries, comporte non seulement des squelettes (mais dans des attitudes de danse, moins figées) mais aussi d'autres personnages (Pape, Rois, Bourgeois, etc...)<br /> <br /> Qu'en penses-tu?
F
Une Danse macabre? Mais la tête à l'envers...
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