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Nouvelle Feuille
17 juin 2011

Un coin méconnu du bois de Vincennes

 

Ce jour-là, nous décidâmes d'aller nous promener dans les bois tant que le loup n'y était pas. Et comme à Paris il n'y a pas une infinité de choix en la matière, nous sommes allés au bois de Vincennes.

La marche y est très agréable et nous amène assez rapidement à ce monument curieux, un socle sans rien qui le surmonte, d'un style assez lourd mais ne manquant pas de caractère. Il s'agit en fait d'un monument élevé en hommage à Beethoven par le sculpteur José de Charmoy et demeuré inachevé en raison de la mort de l'artiste, mort au cours de la guerre de 1914-1918. Les quatres génies ailés et fort musculeux représentent quatre oeuvres majeures du compositeur allemand.

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(José de Charmoy, Monument à Beethoven, années 1910?)

 

J'ignorais l'existence de ce curieux monument à Beethoven d'où le compositeur est absent, mais j'avais à vrai dire un but bien précis ce jour-là, mais pour cela il fallait encore marcher à travers la forêt pendant un petit moment, jusqu'à l'extrémité du bois adjacente à Nogent-sur-Marne. 

 

Et c'est là que l'on découvre, en face des demeures plutôt élégantes de Nogent, un lieu perdu et délaissé, comme hors du temps : le jardin d'agronomie tropicale. Hormis nous-mêmes, il n'y avait ce jour-là qu'un couple d'origine asiatique, un couple de personnes âgées et un homme qui réalisait des prises de vues avec une caméra. De quoi contraster très fortement avec la grande fréquentation du reste du bois... Et pourtant, voici un peu plus d'un siècle, ce lieu a été visité par deux millions de personnes, lors de l'exposition coloniale de 1907. Après ce grand évènement, les pavillons représentant les différentes colonies françaises se sont lentement et progressivement dégradé, on été laissé à l'abandon et ont subi des actes de vandalisme. La mairie de Paris a acquis l'endroit en 2003. On y trouve également dans les quelques bâtiments à peu près en état le CIRAD et plusieurs instituts de recherche universitaire en agronomie.

La mairie de Paris, qui n'est pourtant en général pas bien féroce en matière de protection du patrimoine, semble vouloir redonner un peu de vie et de lustre à l'endroit. Pour l'instant, les travaux ne vont pas bien loin : les bâtiments menaçant ruine ont été sécurisés à la va-vite et la restauration de la porte chinoise qui marque l'entrée du jardin est en restauration depuis le printemps 2011. C'est dommage pour celui qui veut admirer ladite porte, mais c'est globalement une très bonne nouvelle de voir ce patrimoine passionnant du début du siècle bénéficier enfin de l'entretien qu'il mérite. 

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(Porte chinoise, en restauration)

 

Il s'agissait à l'origine d'un jardin d'essai agricole colonial, dans le but de cultiver des plantes exotiques et de concevoir et tester les meilleures plantes et méthodes de culture pour mettre en valeur la production coloniale. Vocation qui demeure aujourd'hui avec le CIRAD évoqué plus haut.

 

Au bord d'un chemin se trouvent des éléments d'un monuments construit "à la gloire de l'expansion coloniale". En relativement bon état, il n'en est pas moins laissé clairement à l'abandon et coupé en cinq morceau. Triste sort pour ce témoignage de ce que pouvait être le goût exotique dans les années 1920-1930. Il en va de même, et je vais éviter de le répéter, pour l'ensemble des statues, monuments et pavillons de ce parc : nos élites, si promptes à faire repentance et à pleurnicher sur le passé, feraient mieux de s'en préoccuper et de restaurer dare-dare tout cela avant la dégradation totale. Car, à ne voir dans les manifestations colonialistes d'autrefois que l'expression d'un mal absolu et à laisser se dégrader les témoignages de cette époque, nous n'allons aboutir qu'à oblitérer le souvenir de cette époque et la compréhension que nous pouvons avoir de la mentalité qui présidait à cela ainsi que de la formidable ouverture des Français au reste du monde que ces expositions coloniales et ces hommages aux soldats d'outre-mer ont représenté, en dépit des crimes coloniaux. Voilà, il fallait que cela soit dit. 

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(Une partie du monument en hommage aux troupes coloniales)

 

Si ce monument aux morts est assez mutilé, ils sont tout de même dans l'ensemble, surtout ceux consacrés aux combattants indochinois, en meilleur état que la moyenne du parc. C'est notamment le cas du monuments pour les laotiens et cambodgiens qui prend la forme d'un très beau stupa.

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(Monument aux Cambodgiens et Laotiens morts pour la France)

 

Pour plus d'exotisme encore, sur le petit cours d'eau qui traverse les lieux se trouvent deux petits pont, l'un, censé symboliser le Cambodge, bordé d'une barrière à nagas et l'autre, qui se veut vietnamien, d'un parapet de style chinois.

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(Détail de la barrière à nagas)

 

En face du stupa cambodgien, on trouve la partie vietnamienne de l'exposition.  

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(Petit autel annonçant la section vietnamienne du parc)

 

Les parties encore intactes de l'ensemble donnent une idée de l'aspect monumental que devait avoir le pavillon à l'origine. Cette partie du mémorial est superbe et reproduit des éléments présents dans les palais impériaux de l'Annam. 

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(Mémorial vietnamien)

 

En face de ce mur et de l'urne en bronze se trouvait la maison de la Cochinchine, hélas pillée et détruite dans un incendie criminel en 1984. Ce temple avait été offert par la Cochinchine en 1907 et servait de monument aux morts indochinois de la guerre de 1914-1918. Une petite pagode rouge à la peinture déjà bien écaillée, a été construite à sa place en 1992.

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(Petite pagode rouge)

 

Si les monuments indochinois, malgré un léger manque d'entretien, font encore bonne figure, c'est une toute autre affaire en ce qui concerne les pavillons et monuments africains...

Celui de la Tunisie est vide, sale et semble livré à tous les courants d'air. Au moins tient-il encore debout...

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(Pavillon de la Tunisie)

 

On ne peut même plus en dire autant du bâtiment de style mauresque non loin de là. Il s'agit de l'ancien bâtiment de l'ENSAC (Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie Coloniale), construit dès 1899. Premier bâtiment du lieu, les plantes tropicales l'ont déserté depuis longtemps et il tombe littéralement en ruines. Un tel délabrement est une véritable honte.

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(Vue intérieure du bâtiment de l'ENSAC, 1899. Etat juin 2011.)

 

Il n'en va guère mieux du petit kiosque de la Réunion, qui montrait aux visiteurs de l'exposition de 1907 toutes sortes de bois exotiques. Autour de celui-ci, comme pour la plupart des bâtiments, la mairie de Paris a fait placer une clôture de sécurité assez dérisoire mais qui a le mérite d'exister de démontrer que quelque part à l'Hôtel de Ville, quelqu'un se préoccupe un peu du sort de ce jardin.

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(Kiosque de la Réunion)

 

Seuls deux pavillons s'en tirent bien au final : celui de la Guyane, qui a l'air d'abriter des éléments techniques, et celui de l'Indochine qui semble accueillir l'administration et sans doute une partie des agronomes de la CIRAD. C'est le seul pavillon réellement occupé et en excellent état pour lequel il n'y a aucune crainte. 

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(Pavillon de l'Indochine)

 

En face se trouve une serre ornée de motifs africains du royaume de Dahomey (largement évoqué par cette superbe exposition du Musée du Quai Branly). Il ne faut pas oublier que le Dahomey n'était pas représenté par cette seule pauvre serre, mais également par tout un village qui se voulait typique (hélas construit en matériaux peu pérennes) et peuplé pour l'exposition d'indigènes authentiques... qui refusèrent de se laisser photographier! D'autres parties du monde colonial ont accueilli dans leur secteur de ces peu glorieux "zoos humains" dont on parle beaucoup depuis quelques années.

Toujours est-il que cette serre, seul élément des pavillons d'Afrique noire encore visible (le pavillon du Congo a brûlé en 2004 et il n'en reste plus que quelques bouts de murs calcinés), souffre également d'un coupable abandon bien que - lueur d'espoir - de modestes cultures tropicales s'épanouissent à ses côtés, peut-être l'annonce d'un renouveau? 

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(Serre du Dahomey)

 

Au centre de tout cela, plusieurs stèles évoquent les sacrifices de la France d'outre-mer pendant les guerres en métropole. Celui évoquant les "soldats noirs" est orné d'un relief assez émouvant. 

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("Aux soldats noirs morts pour la France")

 

Que les pavillons ne soient pas rénovés et utilisés à bon escient par le CIRAD, c'est une chose. Mais que même les serres évoquent plus la friche post-nucléaire (ou post-invasion de singes radioactifs mutants, comme vous préférez) que le laboratoire d'agronomie, c'est tout de même un comble! 

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(Serres)

 

Voilà tout pour ce petit tour dans ce bel endroit à l'atmosphère rendue un peu bizarre par son triste état. J'ignore quels sont les projets de la Mairie de Paris, mais gageons que si les restaurations et la pub qui va avec sont menées de bonne façon, le lieu pourrait devenir l'un des parcs les plus agréables de Paris. Et si cette rénovation s'accompagnait de panneaux explicatifs sur l'histoire du lieu, tout le monde y gagnerait.

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(Lis)

 

Comme ce petit tour ne nous avait pas encore complètement crevés, nous sommes repartis vers le lac des Minimes, un superbe endroit agrémenté de deux petites îles, de douzaines de barques sur lesquelles ramer et d'un petit kiosque vendant des douceurs. De quoi passer un dimanche parisien dans une atmosphère très particulière et très agréable. Une douceur presque provinciale comme on en voit dans les vieux films avec Jean Gabin. On s'y croirait dans un de ces films, à la seule différence que désormais les femmes aussi rament sur les barques et pas seulement les hommes, et que ni les unes ni les autres ne portent plus de chapeaux...

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(Lac des Minimes)

 

Marcher le long du lac est particulièrement sympathique en cette mi-juin, car c'est la période où les rejetons de tous les volatiles du secteur sont assez grands pour sortir du nid mais encore assez petits pour obtenir une note de mignoneté très élevée! 

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(Famille de cygnes)

 

Une bonne idée de promenade, non?

 

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(Famille de poules d'eau)

 

 

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Commentaires
E
Je ne connaissais pas du tout ce coin que je regrette de ne pas avoir visiter pendant que j'étudiais à Paris, vivement que je retourne en IDF pour aller jeter un coup d'oeil ! merci
A
Merci de cette précision, comme vous l'aurez constaté, je n'ai que des notions trop imprécises en ornithologie.<br /> <br /> <br /> <br /> Bien cordialement.<br /> <br /> <br /> <br /> A. Teckel
X
Ce ne sont pas des poules d'eau ( écusson rouge ) mais des foulques ( écusson blanc )<br /> <br /> Bien à vous
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