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Nouvelle Feuille
26 septembre 2012

Petit tour à Limoges

Il y a des articles de blog comme ça, où l'on a pas droit à la moindre erreur parce que l'on se sait cerné de connaisseurs près à se moquer... Quand on écrit sur la petite bourgade turque de Divriği par exemple, la pression est assez faible. Par contre, quand on écrit sur Limoges où est né son impitoyable beau-père, il faut faire très attention et ne surtout pas se tromper...

La pression est augmentée encore depuis que je sais que les grands-parents de ma fiancée lisent aussi ce blog. C'est d'ailleurs à l'occasion d'un passage chez eux que nous sommes retournés à Limoges, bien décidés à enfin visiter le musée de l'Evêché qui a réouvert il y a quelques mois. Mais avant de nous enfermer pour de longues heures dans le musée, nous décidons de parcourir une fois de plus cette belle ville.

St Pierre du Queyroix, retable XVIIe s

(Eglise St Pierre du Queyroix, Retable, XVIIe s.)

 

Nous commençons notre petite promenade par l'église Saint Pierre du Queyroix, une charmante église gothique qui conserve divers éléments intéressants de mobilier.On est surpris de l'éclairage naturel assez faible : les vitraux sont beaux mais peu nombreux et les énormes piliers accentuent cette impression. Signalons parmi les éléments qui méritent un peu d'attention le beau retable baroque et toute une collection de reliquaires de saints et saintes plus ou moins obscurs.

Reliquaire

(Reliquaire)

 

Nous nous rapprochons du coeur de la ville en arrivant dans le secteur qui s'organise autour du quartier - sans charme - qui s'organise autour de la place de la République. C'est à l'emplacement de cette vaste esplanade que se trouvait l'immense abbaye St Martial, l'un des centres religieux et culturels les plus important de la France médiévale. Difficile d'imaginer la grandeur de ce bâtiment détruit en 1794 et dont il ne reste aujourd'hui qu'une crypte sous la place, que nous avions visité il y a quelques années.

Mais ce jour-là, ce n'était pas Saint Martial qui nous préoccupait, mais la petite rue de la Courtine, toute proche. A l'angle de cette rue se trouvait un restaurant Flunch, depuis détruit pour laisser place à un projet immobilier de plus grande envergure : un autre magasin... A priori, le maire de Limoges, le peu soucieux du patrimoine M.Alain Rodet n'avait pas spécialement envie de s'embarrasser à respecter les lois et règlements et à faire effectuer des fouilles préventives par les excellentes équipes de l'Inrap. Il aura fallu pour contraindre la mairie la vigilance de l'association Renaissance du Vieux Limoges qui a su faire du bruit localement (pour ma part, à Paris, je n'ai entendu parler de cette affaire qu'une semaine avant ma visite fin août). Depuis, le chantier de fouilles a eu lieu - il a fallu se battre à nouveau pour le faire prolonger (pétition de 3000 signatures, dont la mienne) - et a, bien entendu, livré des éléments très intéressants mais surtout un site important a été mis au jour. On a en effet découvert, outre des éléments appartenant aux caves adjacentes, les restes de la chapelle Sainte Marie de la Courtine, disparue à la fin du XVIIIe s., ainsi que des éléments du mausolée antique qui l'avait précédé. 200 sépultures et les restes de 300 individus ont été trouvés, datant du Haut Moyen Âge. Bref, un site "majeur" de l'avis de Xavier Lhermite, directeur des fouilles.

Fouilles rue de la Courtine (5)

(Fouilles Inrap rue de la Courtine, état au 25 août 2012)

 

Bien que le projet soit quand même mené et qu'on peut regretter l'absence toujours criante du centre d'interprétation et d'accueil souhaité par les associations locales, il semble que la solution trouvé satisfasse a minima à la visibilité des vestiges. Hélas, ceux-ci, laissé simplement visibles et sans accès possible ni explication, ne seront qu'une bizzarerie de plus dans l'architecture du nouveau bâtiment qui les surmontera. Au moins cela nous aura-t-il permis de constater le grand intérêt de la population pour ces fouilles; nous avons en effet vu passer de nombreuses personnes, de tous âges, en couple, en famille, entre amis, qui y jetaient un oeil, lisaient les pancartes explicatives et discutaient de la question, donnant chacun son avis (globalement plutôt pro-fouilles). Ce genre de choses rassure un peu... Qui plus est, on saluera le travail de l'Inrap et ses passionnantes explications, très détaillée. En à peine dix ans d'existence cet organisme a démontré maintes fois son sérieux, son dynamisme et sa qualité en matière de pédagogie - ne lui manque que la notoriété pour être un acteur majeur de l'éducation au patrimoine d'un large public.

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(Inscription sur le panneau du permis de construire)

 

Pour ma part, je ne suis absolument pas compétent sur la question de savoir si le nouveau projet est bon, moyen, mauvais ou carrèment nuisible, mais je suis ouvert aux avis des archéologues et associations de défense du patrimoine limougeaud...

Quelques liens :

- France 3 Limousin livre le 7 août une bonne synthèse des choses
- Tract distribué par les opposants
- Page Facebook du Centre de la Culture médiévale en Limousin, passionnante
- Association "Renaissance du Vieux Limoges"
- Discussion autour de cette question sur Passion-Histoire
- Dossier de presse de la DRAC Limousin concernant les premières découvertes des fouilles

 

Cour du Temple (3)

(Cour du Temple, XVIIe s.)

 

Très heureux d'avoir pu voir ce site mais un peu inquiets de son devenir, nous repartîmes donc vers le quartier de la Boucherie, un des secteurs les plus typiques de Limoges (qui aurait dû être détruit lui aussi dans les années 1970 sans la création et la pression de l'association Renaissance du Vieux Limoges - je suis preneur d'informations à ce sujet si un de mes lecteurs en a).

C'est toujours une promenade particulièrement agréable, malgré le temps incertain, que de remonter ces rues aux maisons à pan de bois, de passer par la Cour du Temple, par la place de la Barreyrrette, cet espace qui servait autrefois d'enclos pour les animaux destinés à passer sous le couteau des bouchers de ce quartier qui leur doit son nom, ou encore en redescendant la rue de la Boucherie, de revoir l'étonnante toute petite chapelle Saint Aurélien.

Chapelle St Aurélien

(Chapelle Saint Aurélien, XVe-XVIIe s.)

 

Chemin faisant, nous arrivons dans le quartier de la cathédrale, qui constitue - on le verra - le deuxième centre urbain de la Limoges médiévale. Nous déambulons un peu dans ce bel ensemble formé par la cathédrale, l'évêché et ses jardins.

Cathédrale (2)

(Cathédrale St Etienne)

 

Etonnament - est-ce l'heure relativement matinale? - il y a très peu de gens dans les superbes jardins de l'Evêché. De rares couples de touristes, comme nous, mais en fait la plupart du temps, nous sommes seuls à contempler les jardins, merveilleusement mis en eau et en fleurs.

Jardins de l'Evêché (4)

(Jardins de l'Evêché)

 

Très agréable création, ces jardins, dont les fleurs, leurs dessins et leur thématique est renouvelé chaque année, forment une agréable promenade en terrasse surplombant la Vienne. Après cette mise en bouche au travers de Limoges - sans le vouloir, notre parcours a un peu déroulé une rapide chronologie de la ville : antique, médiévale et moderne - il est temps de mieux comprendre et mettre en ordre tout cela en visitant le musée de l'Evêché, désormais simplement baptisé d'un simple et triste "Musée des Beaux-Arts". Première excellente nouvelle : l'entrée est totalement gratuite pour tous. Aucune excuse donc pour ne pas y aller.

Jardins de l'Evêché (5)

(Jardins de l'Evêché)

 

 Le musée de l'Evêché a été fermé pendant plusieurs années et entièrement restructuré, pour ensuite rouvrir fin 2010. Ses collections sont parmi les plus riches et les plus belles du Sud-Ouest de la France. L'espace est divisé en trois étages qui sont autant de départements de conservation : le sous-sol est consacré à l'histoire de Limoges, le rez-de-chaussée aux collections de beaux-arts et l'étage supérieur aux émaux.Chacun d'entre eux est presque un petit musée visitable indépendamment des autres.

C'est une excellente façon d'organiser les choses et les parcours sont clairs et les quelques éléments de médiation notamment à destination des enfants ont l'air plutôt intelligents et pas trop envahissants (bien que cela soit à vérifier un jour d'affluence).

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(Début de la visite, vitraux, début XXe s.)

 

Hum... Dès à présent je vais devoir contredire ce que j'affirmais pendant le paragraphe précédent. Ce n'est pas tout à fait vrai que le sous-sol est consacré à l'histoire de Limoges. Disons plutôt qu'il est consacré à l'histoire de la ville et... à la collection égyptologique! Car aussi curieux que cela paraisse, Limoges possède une collection égyptienne assez importante et surtout de très bonne qualité. Bien qu'elle soit compliquée à mettre en valeur dans un musée où elle fait un peu figure de mouton à cinq pattes, le défi est parfaitement réussi : la muséo est bien faite, les cartels sont à la fois clairs et précis, évitant les deux écueils trop fréquents d'un texte trop spécialisé qui frôle l'ésotérisme pour le simple visiteur ou d'un texte si simpliste et naïf qu'il prend son lecteur pour un idiot; Limoges a trouvé le juste équilibre. 

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(Modèles funéraires, début du Moyen Empire, XXIe s. av. J-C) 

 

Cette importante collection égyptienne est due au leg laissé par Jean-André Périchon, un natif de la région de Limoges qui fit une belle carrière en Egypte (chemin de fer puis directeur d'une sucrerie), au point d'obtenir le titre de bey parfois ajouté à son nom. Sur place, il acquiert un grand nombre de pièces, sans bien entendu les documenter avec rigueur. De retour dans sa région, il meurt en 1929, laissant sa collection au musée de Limoges. Parmi les pièces exceptionnelles, on peut voir cette copie taille réelle d'une partie de la tombe d'un scribe. Bien qu'il s'agisse d'une copie de 1968, on peut détailler à merveille les peintures et imaginer un peu l'effet que cela doit faire de pénétrer dans un tel monument. Alors même qu'il ne s'agissait "que" de la tombe d'un scribe!  

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(Tombe de Nakht, Nouvel Empire (vers 1400 av. J-C), copie réalisée par Claude Bassier en 1968)

 

Avec intelligence encore une fois, le musée expose la collection Périchon y compris quand elle sort de l'Egypte purement pharaonique. On peut ainsi voir de belles statuettes d'Isis ou d'Harpocrate d'époque romaine. Et puis, afin de compléter légèrement l'histoire de ces régions, le musée bénéficie de deux prêts du musée du Louvre, deux très beaux exemples de la qualité du travail du métal dans le monde musulman du Moyen Âge, ainsi que de la richesse des motifs décoratifs.

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(Boite aux planètes, Egypte ou Syrie, début XIVe s.)

 

Une fois cette introduction égyptienne, il est temps de passer aux Antiquités "nationales" comme l'on dit, avec l'enfilade des salles sur l'histoire de Limoges. Parfois, dans les musées de province, la section d'histoire locale est un peu tartignolle. Ici non, c'est même sans doute la section la mieux mis en valeur et la plus instructive de tout le musée. Je ne sais pas combien d'heures nous y avons passé, mais elles sont passées sans le moindre ennui.

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(Dieu accroupi au torque, IIe ou Ier s. av. J-C, trouvé au château d'Eygueperse à Saint Paul d'Eyjeaux)

 

On va me trouver dithyrambique, mais encore une fois je dois saluer l'initiative formidable qui consiste, contrairement à la tendance actuelle à les reléguer en réserve, à mettre en valeur les maquettes de la ville à différentes époques réalisées dans les années 1990. Non seulement les maquettes sont très bien réalisées et claires, permettant de mieux situer les choses, et placées judicieusement au fur et à mesure des salles, mais mieux encore, le musée en a fait réaliser de nouvelles pour les périodes où aucune maquette n'avait été réalisée. Le plan romain de la ville est ainsi parfaitement lisible, avec cardo et decumanus (les grands axes principaux nord-sud et est-ouest) et le grand forum au centre. Les plans consacrés aux périodes suivantes seront d'excellent medias pour comprendre l'organisation et le déplacement des différents coeurs urbains successifs.

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(Augustoritum (Limoges antique), IIe s., maquette de P. Chauprade, 1990)

 

En ce qui concerne l'Antiquité gallo-romaine, on remarquera surtout un collection lapidaire bien mise en valeur, avec notamment une stèle assez formidable par son texte du Ier siècle, qui témoigne de la romanisation en cours de la société gauloise, mais également de son inachèvement : il s'agit d'une dédicace laissée sur une fontaine par le vergobret (chef politique typique des cités gauloises, désigné par les druides) appelé Postumus (un nom romain), fils de Dumnorix (nom gaulois) qui a donné l'argent nécessaire pour la fontaine où se trouve apposée la dédicace (manifestation d'évergétisme qui rappelle le modèle hellénistique et romain). La pierre en elle-même n'est pas très "sexy" mais elle est passionnante.

L'autre gros points fort de cette section est la présence de belles peintures murales trouvées lors les fouilles de plusieurs riches maisons patriciennes de la ville, témoignant de la richesse et du niveau de vie élevé rapidement acquis par les élites de cette cité qui était pourtant loin d'être parmi les plus importantes de Gaule. 

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(Peinture murale aux oiseaux, milieux du Ier s., provenant de la Domus des Nones de Mars, rue du pont Saint Martial, à Limoges, découverte en 1991)

 

Le Moyen Âge est sans conteste l'âge d'or pour Limoges, qui prend une réelle importance religieuse, culturelle et artistique, au point de devenir le centre de production d'émaux le plus réputé au monde et exportés très loin. Mais la ville est aussi le coeur de la culture troubadour et du développement de la chanson et de la littérature de langue d'oc ainsi qu'une étape obligée sur la route de Saint Jacques de Compostelle. 

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(Limoges vers l'an Mil, maquette de P. Chauprade, 1990)

 

Le Moyen Âge reconfigure totalement la disposition urbaine de la ville : la ville romaine est progressivement abandonnée au profit de deux centres urbains distincts : l'un, au bord de la Vienne, est dominé par la cathédrale et le pouvoir de l'Evêque, tandis que l'autre s'est placé plus en hauteur, sur une butte facile à défendre et organisée autour des deux éléments que sont l'abbaye Saint Martial et le château, tous deux disparus aujourd'hui. C'est dans les fouilles de ce château (pour construire un parking...) que l'on a mis au jour notamment ces chaussures en cuir, dans un état exceptionnel de conservation, le cuir étant habituellement sujet à une dégradation très rapide.

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(Deux semelles et trois chaussures en cuir, XIIIe-XIVe s., Fouilles de la place de la Motte à Limoges en 1995)

 

Si ce pouvoir comtal et l'importance commerciale de la ville sont évoquées, c'est tout de même l'art religieux qui est le plus présent, avec pas mal d'éléments provenant des anciennes abbayes et églises disparues après la Révolution. Gros coup de coeur pour ces superbes éléments du décor de la façade de l'abbaye Ste Marie de la Règle, qui représente personnages et animaux réels ou fantastiques dans la grande tradition romane. Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer ce curieux bestiau que le cartel appelle tristement "Monstre à l'arrière-train de félin". Le rédacteur n'a tout simplement pas reconnu qu'il s'agissait d'un lapin de l'Enfer ou d'un proto-Spouiky!

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(Elément de la façade de l'abbaye Sainte Marie de la Règle à Limoges, Lapin fantastique, 1er quart du XIIe s.)

 

Les éléments provenant de l'abbaye Saint Martial sont passionnants et certains sont porteurs d'anecdotes assez sidérantes, comme cette plaque de marbre. Cette plaque, placée à côté des reliques de Saint Martial, indique juste "Ci-git Saint Martial. Apôtre du Christ" ([HIC REQUIESCIT]/MARTIALIS/APOSTOLUS XPI). Or tout bon chrétien (et les autres) sait que Saint Martial n'était pas apôtre. Il n'en allait pas de même au Moyen Âge, où l'abbaye qui lui devait son nom soutenait contre l'évêque la théorie de l'apotolicité de Martial, tandis que les autres y voyait un personnage du IVe s. Ce "13e apôtre" a été reconnu comme tel par un concile tenu... à Limoges en 1031, en s'appuyant sur les documents produits un certain Adémar de Chabannes. Documents totalement faux, bien entendu mais cette affirmation permis de drainer un nombre conséquent de pélerins dans la ville.

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(Plaque funéraire de Saint Martial, vers 1031, provenant du tombeau de Saint Martial)

 

 Il faut tout de même savoir que ce caractère apostolique de Martial, bien que rapidement dénoncé comme supercherie, n'a été abandonné par l'Eglise qu'au début du XXe s... Selon la légende locale, cette plaque aurait été déposée par ce brave Adémar, pris de remords, avant de partir faire pénitence en Terre Sainte pour ce vilain péché de mensonge... Lire ici les passionnantes explications de l'historienne Bernadette Barrière.

Les collections gothiques sont belles mais moins surprenantes, à l'exception peut-être de quelques éléments d'architecture civile ou de cette fresque provenant de l'ancien couvent des Carmes, lui aussi détruit dans la foulée de la Révolution.

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(Fresque des Carmes, vers 1300, provenant de la salle de la communauté du couvent des Carmes de Limoges) 

 

Les salles consacrées à l'époque moderne (et contemporaine) sont intéressantes mais considérablement moins riches que les précédentes, signe aussi du relatif déclin de la ville à partir du XVIIe s. Les collections de cette époque sont dominées par des pièces liées à l'histoire même de l'Evêché et de la Contre-Réforme dans la région menée par l'évêque François de Lafayette (oncle de l'auteur de la Princesse de Clèves) pendant les presque cinquante ans  que dura son épiscopat.

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(Planches de décor de plafond, milieu XVIIe s., découvertes en 2008 dans l'ancien palais épiscopal de Limoges)

 

C'est quand l'on accède à la grande vitrine consacrée aux confréries de Pénitents que l'on se rend mieux de l'importance de la dévotion pendant la Contre-Réforme et des manifestations nouvelles et spécifiques qu'elle prit dans la région. Cette forme de dévotion laïque apparaît à Limoges en 1598 avec la fondation des Pénitents Noirs, suivis dans les décennies suivantes de nombreuses autres confréries du même genre mais arborant d'autres couleurs. 

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(Habit et croix de procession)

 

Ces compagnies, outre la pratique des bonnes oeuvres sous couvert d'un anonymat garanti par leur curieux habits, participaient régulièrement à des processions nocturnes et aux fameuses ostensions limousines. Tombées peu à peu en désuétude, elle disparaissent au milieu du XIXe s.

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(Saint Jean Baptiste et deux pénitents, école française, XIXe s.)

 

Mais qui dit Contre-Réforme dit... Réforme! Si la Réforme semble avoir peu pris en Limousin contrairement à d'autres régions du sud de la France (Cévennes, Béarn), on peut néanmoins voir ce curieux et très explicite vitrail montrant Jeanne d'Albret prêchant la Réforme à Limoges et daté des années 1560!

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(Vitrail dit de Jeanne d'Albret prêchant la Réforme à Limoges, vers 1560, provient d'une maison de la rue Manigne à Limoges)

 

La figure de Turgot, à la fin du XVIIIe s., est aussi évoquée. On sait l'importance que le futur contrôleur général des finances exerça en tant qu'intendant du Limousin. C'est là en effet qu'il expérimenta les mesures qu'il proposera ensuite au roi - et qu'il échouera à imposer. C'est également lui qui décida, après la découverte de kaolin dans la région, de transformer la faïencerie en manufacture de porcelaine. Avec le succès que l'on sait...

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(Assiettes ayant subit l'incendie du quartier de la Motte en 1864)

 

Les XIXe et XXe s. qui semblent dominés totalement par la production industrielle de porcelaine et ses 120 fours qui font retomber sur la ville une suie noire, polluante et malsaine. La ville grandit alors à toute allure et cette rapidité provoque quelques soucis, notamment dans la gestion du tissu urbain. En 1900, pas moins de 10 000 ouvriers travaillent dans le secteur porcelainier, dont un certain nombre de femmes qui oeuvrent notamment comme décoratrices, chargées de peindre les motifs sur les pièces de porcelaine. Parallèlement, la floraison artistique de la ville permet la renaissance de l'art de l'émail qui en avait fait la gloire au Moyen Âge.

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(Auguste Aridas, Le cours du matin des jeunes filles à l'Ecole nationale d'art décoratif de Limoges, 1889)

 

C'est à cette époque que Paul-Laurent Courtot réalise une oeuvre abondante et singulière. Ce peintre, qui a travaillé parmi d'autres à la décoration du Panthéon, est devenu professeur de dessin à Limoges en 1887. Tombé amoureux de la ville ancienne et très inquiet des profonds changements à l'oeuvre, il passe son temps libre à peindre sous tous les aspects quartiers et maisons anciennes, faisant oeuvre à la manière d'un photographe-historien de sa ville. Il se considère d'ailleurs comme historien, un titre qui lui sera en quelque sorte reconnu par l'obtention d'une médaille d'argent de la Société française d'archéologie. Un précurseur, qui mit son talent d'artiste au service de la défense du patrimoine. 

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(Paul-Laurent Courtot, vues du vieux Limoges, début XXe s.)

 

Les tableaux de Courtot concluent le sous-sol et la section d'histoire de Limoges, offrant ainsi une transition idéale vers les salles du rez-de-chaussée et les salles des Beaux-Arts que nous visiterons après avoir mangé, car cela fait déjà plusieurs heures que nous sommes dans le musée et la faim commence à se faire sentir. Nous ressortons donc pour aller manger non loin de là, dans une très bonne crêperie qui propose donc crêpes et galettes, excellentes et plutôt originales, vites servies, vite mangées, accompagné d'un cidre local. Une bonne adresse plutôt sympathique.

Crêperie

(Crêperie de la cathédrale)

 

Nous retournons donc achever notre visite pendant le reste de l'après-midi. Nous empruntons un escalier imposant pour arriver dans la collection de peinture, installée dans les anciens appartements et salles de réception des évêques. Le classement adopté est assez étrange, séparant les oeuvres de peinture religieuse et les autres. Si ce choix peut se comprendre pour les grandes compositions du XVIIe s. de très grand format, qui ne trouve écrin à leur mesure que dans les salles les plus hautes comme la rotonde, on le comprend un peu plus mal pour les autres, tant la distinction entre peinture religieuse et peinture disons profane semble artificielle.

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(Gérard Seghers, L'Assomption de la Vierge, vers 1629, provient de la chapelle du collège des Jésuites de Limoges)

 

Malgré cette curieuse muséographie, on est ravi de la grande qualité des oeuves montrées. L'accrochage est plutôt aéré et les oeuvres sont de ce fait tout à fait lisibles. Aucune oeuvre n'est plus ancienne que le début du XVIe s. et si le musée montre de belles choses des XVIe au XVIIIe s., c'est surtout la fin du XIXe s. et le début du XXe s. qui sont particulièrement bien représentés et forme le gros de la collection. L'essentiel de la collection est constitué par des dépôts (Musée Adrien Dubouché, Louvre, Orsay, Centre Pompidou) et de collections privées "gracieusement mises à disposition du musée", comme c'est le cas pour cette Vierge à l'Enfant de Joos Van Cleve

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(Joos Van Cleve, Vierge à l'Enfant, début XVIe s.)

 

Dans cette collection de peinture religieuse, ce qui est le plus frappant et le mieux pensé est sans doute la chapelle. Datant de la fin du XVIIIe s. comme le reste du palais épiscopal, elle conserve une partie de son décor d'origine avec son autel dominé par une grande toile de Suvée représentant Saint Louis  en adoration devant les reliques de la Passion. 

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(Chapelle, fin XVIIIe s.)

 

Outre la conservation de ce beau décor néoclassique, la bonne idée est d'avoir trouvé en cette chapelle le lieu pour présenter la série de tableaux de Maurice Denis intitulée "Les Béatitudes". Cette série peinte en 1915 pour la décoration de la maison du mécène Gabriel Thomas à Meudon, est à la fois une belle oeuvre chrétienne et une "capture d'écran" des préoccupations de l'époque, alors en pleine Grande Guerre : entre deux compositions purement religieuses, on aperçoit un poilu avec son uniforme bleu horizon, une infirmière, Jeanne d'Arc qui est alors en train de se muer en symbole national. Maurice Denis est un excellent peintre qui, imprégné de son époque et de sa profonde foi catholique, les mélange à sa technique et ses influences artistiques pour en tirer une oeuvre créative et pleine d'humanité.

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(Maurice Denis, Les Béatitudes : "Heureux les miséricordieux", 1915)

 

Et l'on se retrouve ensuite dans des salles qui se succèdent chronologiquement dans les beaux salons du palais. Cela débute avec la Renaissance et l'on a peine à comprendre en quoi cette Vierge italienne a plus sa place ici que celle de Van Cleve montrée plus haut en tant que "peinture religieuse". Certes on ne boude pas notre plaisir devant la qualité des oeuvres, mais on est un peu décontenancé...

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(Entourage du Pérugin, peut-être Nicolo Soggi, Vierge à l'Enfant, entre 1502 et 1506)

 

Si la collection Renaissance est encore un peu garnie, les XVIIe et XVIIIe s. sont les parents pauvres de ces collections. J'ai toutefois envie de m'attarder sur deux tableaux qui me semblent intéressants pour des raisons très différentes. Le premier est cette superbe huile au sujet antique, typiquement XVIIe s., un peu dans le goût de Claude Le Lorrain. Mais ce qui m'a frappé, c'est que la scène présentée : "Castor et Pollux annonçant aux Romains la perte de la bataille de Cannes", qui donc se déroule à Rome, est installé dans un décor particulièrement fantaisiste. Une sorte de Rome d'opérette imaginée par un peintre qui n'y avait probablement jamais mis les pieds (sauf preuve du contraire, je n'ai trouvé aucun élément biographique sur ce Berdot de Montbéliard). Au final, le résultat est une oeuvre de pure imagination très sympathique.

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(Jean-Georges Berdot dit Bardot de Montbéliard, Castor et Pollux annonçant aux Romains la perte de la bataille de Cannes, 1660)

 

Le second tableau marquant de cet accrochage pourtant limité est celui de Nattier représentant la Marquise de Boufflers en Source. Bon, je dois avouer que c'est par pur lotharingisme que je le signale, la marquise de Boufflers étant l'une des fortes et importantes personnalité de la cour que Stanislas Leszczynski, roi de Pologne déchu et dernier duc de Lorraine tenait à Lunéville. Il est d'ailleurs fort curieux de voir ce tableau à Limoges, bien loin des fastes du siècle des Lumières lorrain.

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(Jean-Marc Nattier, Portrait de la marquise de Boufflers représentée en Source, milieu XVIIIe s.)

 

A noter que cette salle à l'accrochage un peu étrange (officiellement, il s'agit d'un accrochage tournant...) mais surtout concentré sur le XVIIIe s. offre un cadre parfait pour ces peintures, avec sa belle décoration néoclassique et son côté intime. Il ne manque que l'ameublement, notamment un lit dans l'alcôve, pour que le confort et l'intimité de la chambre de l'évêque reprennent vie. 

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(Chambre de l'Evêque, fin du XVIIIe s.)

 

Dans le salon d'honneur, c'est un peintre local au moins par sa naissance qui trouve sa place, sans doute le plus célèbre artiste natif de Limoges : Auguste Renoir. Pour l'essentiel, ce sont des Renoir plutôt de la deuxième manière, après 1890, voire pour la plupart après 1900. Ces tableaux, moins révolutionnaires que ceux du début de sa carrière sont néanmoins plaisants et pas si niais qu'on a bien voulu le dire. Et il est assez amusant de voir le tout jeune Jean Renoir, futur cinéaste majeur et gros bonhomme chauve, alors âgé de quatre ans et habillé en petite fille. 

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(Auguste Renoir, Portrait de son fils Jean, 1899)

 

Un beau salon est consacré presqu'entièrement à Suzanne Valadon, femme peintre qui connut un grand succès de son vivant et de grandes amitiés (Toulouse-Lautrec, Satie, Renoir, Degas) et qui a laissé une oeuvre singulière, jouissant de multiples influences pour donner son style bien à elle, fait de lignes bien marquées et de couleurs plutôt vives.

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(Suzanne Valadon, Portrait de Miss Lily Walton, 1922)

 

Ce salon des Assemblées est par ailleurs l'une des plus belles pièces du palais, avec des portraits des évêques de Limoges installés directement dans les boiseries. Cependant, si l'ensemble a un aspect tout à fait cohérent avec le reste du palais, cet aménagement est plus récent, les portraits ne datant que du Second Empire.

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(Salon des Assemblées, fin XVIIIe s.)

 

Toujours dans cette même salle, décidemment très intéressante, on trouve deux oeuvres de Paul Ranson, un peintre né à Limoges et qui fit partie du groupe des Nabis. J'ai été charmé par les deux oeuvres présentées, pourtant très différentes l'une de l'autre. Nous avons d'abord une belle vanité, sujet classique s'il en est, mais dont on retiendra surtout les trois souris, petits animaux qui font fi des gloires et vanités humaines en dévorant sans remords un ouvrage qu'on devine fort ancien et fort intéressant.

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(Paul Ranson, Vanité aux souris, 1885)

 

L'autre Ranson qui se trouve exposé aborde un sujet en vogue à la fin du XIXe s. mais rarement représenté en peinture, a fortiori en peinture française : les contes de fées. Ce genre de choses est en général plutôt le domaine des graveurs et illustrateurs. Il est donc très intéressant de voir le résultat obtenu par un peintre nabi, qui produit une oeuvre aux couleurs gaies, dont les couleurs et les volutes végétales rappellent l'Art nouveau qui lui est exactement contemporain. Difficile alors, devant un tel tableau, de se rendre compte au premier coup d'oeil que c'est un drame qui est représenté : il s'agit en effet de la scène du Petit Poucet dans laquelle les parents mènent leurs sept enfants dans la forêt pour les y abandonner... 

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(Paul Ranson, Le Petit Poucet, vers 1900)

 

Une salle entière est ensuite consacrée à un autre artiste attaché au Limousin - il est pour ainsi dire inconnu au-delà -  et qui est pourtant l'auteur d'une oeuve étonnante et improbable. Installés chronologiquement, ses tableaux donnent une bonne idée de son itinéraire personnel et artistique. De ses premiers paysages oniriques à d'autres qui lorgnent totalement du côté des surréalistes, toutes ses oeuvres sont baignées d'une étrange et indéfinissable lumière.

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(Elie Lascaux, Le tricot, 1928)

 

On regrette de ne pas avoir un grand panneau qui nous rappelerait qui était ce peintre et quel fut son parcours, alors qu'il semble avoir fait l'objet d'expositions à Boulogne-Billancourt et à Limoges récemment. Au vu de ses sujets, typiques des artistes parisiens (Bagnolet, Montmartre) et qui deviennent subitement parfaitement limousins (Le vieux Limoges, les ponts de Noblat) à partir de 1940, il n'est pas difficile de comprendre qu'il a pris les chemins de l'exode pour venir trouver, comme beaucoup, refuge dans le secteur. Difficile d'en savoir plus : internet n'abonde pas d'informations à son sujet et il n'a même pas de page wikipedia, même sommaire.

Reste un joli coup de coeur pour ces oeuvres étonnantes.

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(Elie Lascaux, Le vieux Limoges, 1945)

 

Les dernières salles, qui servaient de salles à manger aux évêques, sont consacrées à un accrochage tournant. Quelques sculptures et tableaux du XXe s., mais rien de très passionnant. Seuls deux tableaux de Jean Lurçat, plus connu pour ses travaux sur la tapisserie, surnagent de l'ensemble.

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(Jean Lurçat, La jeune turque, 1925)

 

Alors que nous sommes déjà bien éreintés, nous avons encore un étage à visiter. Et ici, quel dommage, c'est le moins bien mis en valeur alors qu'il est totalement exceptionnel et justifie à lui seul la visite du musée ! On traverse ainsi en douze salles presque mille ans d'émail, essentiellement à Limoges bien sûr (vous verrez très peu d'émaux mosans par exemple).

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(Plaque de chasse : crucifixion, vers 1200, Limoges)

 

Bien sûr, on y voit les merveilles d'émail champlevé médiéval qui firent la renommée de Limoges de par le monde du XIIe au XIVe s. Un bon nombre d'objets d'art à dominante bleue sont présentés : châsses, plaques, reliquaires, etc... Certains sont particulièrement impressionnant par leur sens du détail et la qualité de la réalisation du travail, aussi d'orfévrerie que d'émaillerie. 

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(Crosse : Saint Michel terrassant le dragon, 2e quart du XIIIe s., Limoges)

 

C'est en 1370 avec le sac de la ville par les troupes du Prince Noir que l'âge d'or de l'émail limousin s'arrête. Cet art reprend on ne sait trop dans quelles circonstances, autour de 1500, avec des oeuvres de facture très différentes, totalement Renaissance et s'inspirant le plus souvent de tableaux connus par des gravures.

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(Maître aux Grands Fronts, Nativité, vers 1500, Limoges)

 

On voit apparaître des retables entiers réalisés en émaux peints, très impressionnants bien qu'il n'en subsiste souvent que les plaques émaillées. Les premiers noms d'émailleurs célèbres apparaissent dans ce foyer qui connaît une nouvelle expansion : Colin Nouailher, Martial Ydeux et surtout le plus fameux d'entre eux : Léonard Limosin.

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(Colin Nouailher et Pierre Reymond, Tryptique : Notre Père et Crucifixion, milieu XVIe s., Limoges)

 

Au milieu du XVIe s., les émaux peints atteignent une qualité de détails qui les rapprochent de plus en plus de la peinture, et encore plus dans les travaux en grisaille. Cette représentation de Dieu le Père par Martial Ydeux, sans doute un fronton de retable, est particulièrement réussie :

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(Martial Ydeux, Dieu le Père entouré d'anges, milieu XVIe s., Limoges)

 

Mais à côté de ces artistes renommés qui réalisent des commandes prestigieuses, voire royales (on voit ainsi Léonard Limosin travailler pour le château de Fontainebleau, pour la Sainte Chapelle, etc...), on trouve toute une production plus commerciales, moins ambitieuse, destinée à une clientèle plus bourgeoise et provinciale. Les uns comme les autres ont une production essentiellement religieuse.

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(Léonard Limosin, La descente du Christ aux limbes, 1534, Limoges)

 

A noter : le musée de l'Evêché conserve le seul tableau connu de Léonard Limosin, sur lequel il s'est d'ailleurs fait figurer en bonne place, tenant un livre indiquant : "Leonard Limosin Esmailleur Peintre Valet de Chambre du Roy. 1551". C'est d'ailleurs son seul portrait connu...

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(Léonard Limosin, Incrédulité de Saint Thomas, 1551)

 

C'est vers cette même époque que l'art de l'émail quitte le domaine de l'art religieux pour adopter comme support des objets d'apparat tels que coupes et assiettes et non plus seulement du mobilier religieux, mais aussi des sujets profanes, le plus souvent empruntés à l'Antiquité. 

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(Jean Court, Enlèvement d'Europe, 1570, Limoges)

 

Quelques judicieux achats récents ont permis au musée de s'ouvrir, pour les émaux anciens, à des productions autre que celle de Limoges, et qui témoignent de l'extension de l'art de l'émail et de l'influence réciproque entre Occident et Orient. A ce titre, cet ensemble composé d'une aiguière et son bassin est révélateur : il s'agit d'une production chinoise émaillée selon la méthode de Limoges, mais adoptant des motifs chinois et un émaillage sur cuivre. Probablement conçu pour le marché portugais ou hollandais, ce type de production, bien qu'assez rare, est à rapprocher des productions d'art décoratif de style dit "de la compagnie des Indes".

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(Aiguière et son bassin en forme de coquille, milieu du XVIIIe s., Canton)

 

En ce qui concerne Limoges, la production connaît une nouvelle éclipse aux XVIIe et XVIIIe s., en raison d'un déclin des commandes. Les goûts changent et les grandes familles de l'émail limousin ne produisent plus que pour des commandes provinciales, dans une qualité amoindrie. 

C'est le XIXe s. et son goût pour les production mélangeant art et industrie, notamment sous l'influence des expositions universelles, qui voit une nouvelle fois renaître le foyer limousin et l'art de l'émail en général retrouver une nouvelle vigueur.

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(Théophile Soyer, Hallebardier, fin XIXe s., Paris)

 

Dès lors, Limoges n'est plus qu'un foyer parmi d'autres et subi toutes les influences artistiques de cette époque foisonnante : goût du folklorisme, style troubadour, art nouveau, arts déco....

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(Lucien Hirtz, Tête de femme, avant 1899, Paris)

 

Je tiens à signaler ce magnifique faisan, accroché sur un mur, que nous prîmes d'abord pour une peinture, nous demandant bien ce qu'elle pouvait faire dans l'étage consacré aux émaux. Ce n'est qu'en nous approchant du tableau que nous nous aperçûmes que c'était bien un remarquable travail d'émailleur, spectaculaire par sa taille et par la finesse de sa réalisation. A tel point que cette pièce a été présentée à l'exposition universelle de Vienne en 1873 et primée pour "son très grand mérite". 

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(Thesmar (dessinateur) et Fribourg (émailleur) pour la maison Barbedienne, Faisan doré, 1873, Paris) 

 

Là où l'Art Nouveau, puis les Arts Déco et l'émail se marient le mieux, c'est dans les grands objets décoratifs, en particulier les vases, coupes et autres coupelles. Et quand des grands noms de l'Ecole de Nancy comme Daum et Majorelle se joignent à la tradition des émailleurs de Limoges, cela donne ce genre de petite merveille que l'on dirait presque sortie d'un décor à l'ambiance steampunk.

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(Daum, Louis Majorelle, Paul Bonnaud, Vase, 1921, Nancy et Limoges)

 

Les années qui suivent sont plus compliquées à appréhender : tout d'abord parce que les sources d'inspirations et les styles se multiplient, mais aussi parce que tout ce qui concerne la seconde moitié du XXe s. se trouve placé dans une belle pièce qui est probablement une ancienne bibliothèque. Du coup, les pièces sont installées derrière les étagères vitrées et assez sombres. 

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(Emaux : seconde moitié du XXe s.)

 

C'est au cours de la biennale de l'émail, de 1971 à 1994, que se confrontent les artistes venus de tous horizons, avec des créations parfois surprenantes, comme ce guéridon, simple, efficace et coloré : 

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(Garouste et Bonetti (designers), Duban et Gilbert (émailleurs), Guéridon, 1992, Limoges)

 

D'autres artistes, nombreux, ne cherchent pas l'association avec des designers ou autres créateurs, se contentant de creuser leur sillon dans cet art particulier de l'émail, retrouvant le support de la simple plaque de métal émaillée pour leurs travaux.

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(Françoise Bonvalet-Gounod, Poissons, 1982) 

 

Les années 2000 apparaissent, malgré notre manque de recul, tout aussi créative, s'autorisant peut-être même encore plus de fantaisie que les décennies précédentes, avec quelques artistes à l'origine de travaux franchement intéressants, comme Léa Sham's, Alain Duban ou Dominique Gilbert. Ces artistes et quelques autres sont exposés (et vendus) en permanence à la galerie du Canal à Limoges. Mais j'ai choisi l'oeuvre facétieuse d'un autre artiste, Alexandre Burguet, pour illustrer cette salle consacrée à la création immédiatement contemporaine; un bel hommage à la tradition limousine passée au prisme de l'ère des médias de masse.

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(Alexandre Burguet, Reliquaire télé, 2003)

 

Enfin, une dernière salle expose un grand nombre de travaux d'émailleurs contemporains du monde entier, d'inspirations et de styles très variés.

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(Arvidas Gouriavitchious, Hommes et environnement, 1984, Lituanie)

 

Alors que le musée d'apprête à fermer, nous découvrons la présence, autour du hall central, de petits cabinets d'études. Ceux-ci sont tout à fait passionnants, mais ils manquent hélas d'explications techniques un peu détaillées.

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(Fonds d'atelier d'Henriette Marty (1902-1996)

 

Néanmoins, on comprend l'essentiel sans trop d'efforts et l'on constate que le travail de l'émailleur est d'une complexité et d'une précision qui en demandent pas mal, des efforts. Les gravures ou peintures servant de modèles, placées à côtés des émaux qui s'en inspirent; ou encore la même plaque émaillée à différentes étapes de sa création, sont des exemples bien pensés. Ces salles sont vraiment une très bonne chose et servent a priori surtout aux élèves qui étudient à l'Ecole des Métiers d'Art de Limoges, qui forment des spécialistes de la céramique et de l'émail.

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(Etapes de création d'une plaque émaillée)

 

Alors que les gardiens ferment petit à petit les différentes salles, nous sortons fourbus mais heureux de ce très beau musée, que je préfère continuer d'appeler "de l'Evêché". J'en conseille vraiment la visite à tous, ainsi que de la ville de Limoges en général. Et aussi, de faire connaître et de suivre la question des fouilles archéologiques de la rue de la Courtine et plus globalement, du patrimoine limougeaud.

Musée de l'Evêché (2)

(Palais de l'Evêché)

 

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