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Nouvelle Feuille
17 mars 2013

Pau : le musée des Beaux-Arts

Vu que ma belle-famille habite à côté de Pau, je commence un peu à connaître la ville et ses environs. J'ai déjà d'ailleurs remarquablement évoqué le Béarn dans ce blog, notamment ici. 

Mais bon, le lendemain de Noël, à la faveur d'une promenade dans cette ville, ça a été l'occasion de découvrir le musée des Beaux-Arts de la ville où, curieusement, je n'étais jamais allé. Celui-ci est installé dans un bâtiment typiquement Art déco conçu par l'architecte Jacques Ruillier dans les années 1930.

Musée des Beaux Arts

(Musée des Beaux Arts de Pau, 1929-1931)

 

 Il se tenait justement au moment de notre passage une exposition intitulée "Pau art déco". Plutôt intéressante, cette exposition a le mérite de s'arrêter sur une période de l'histoire de la ville rarement évoquée, celle des années 1930. Cela nous change d'Henri IV et des "Anglais du XIXe s."...

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(Pau, affiche des chemins de fer du midi, vers 1930, collection Jean-Loup Fricker)

 

Le début de l'exposition est marquant par l'utilisation de deux éléments: les superbes affiches Art Déco issues de la collection de Jean-Loup Fricker, un collectionneur et spécialiste des affiches anciennes, et les plans et projets d'architectes concernant les aménagements urbains entrepris à cette époque.

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(Louis Decorges, Parc Beaumont, projet de jardin pyrénéen, 1921)

 

Si les pièces présentées sont séduisantes et disent bien leur époque, on reste plus sceptiques à la lecture des cartels. Ceux-ci sont une sorte d'ode inspirée à la gloire de la municipalité de l'époque. On y loue l'action "ambitieuse" du maire Alfred de Lassence, on y parle de Pau comme d'une cité qui alors "recherchait l'air, l'espace et la lumière, en s'ouvrant sur la chaine des Pyrénées" et qui sortait "délibérèment de la tradition pour conquérir sa modernité." Voilà voilà... tous sont de la même eau mais ce premier est sans doute le plus gratiné.

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(Charles Hallon, Pau la Reine des Sports, chemin de fer du midi, vers 1930, collection Jean-Loup Fricker)

 

On comprend bien l'envie de la municipalité de redynamiser une ville alors en perte de vitesse : conçue comme une station "d'air" pour les maladies respiratoires, Pau avait connu une période faste sous le Second Empire avec l'arrivée en masse de quantités d'Anglais. Puis, doucement au début du XXe s., la ville s'était endormie, concurrencée puis distancée par ses rivales du rivage : Biarritz et Arcachon notamment. Il fallait à tout prix relancer l'activité touristique haut de gamme et cela passait par un remodelage urbain et une politique de grands travaux. En cinq années seulement sortirent de terre le casino, la préfecture, le musée des beaux-arts, la bibliothèque et le Palais des Pyrénées, tandis que nombre d'évènements se mettaient en place, comme le grand prix de Pau dont la première édition eut lieu en 1935 et qui existe encore aujourd'hui, l'un des rares sur circuit totalement urbain et inchangé depuis l'origine.

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(Grand prix automobile de Pau, 1935, collection Jean-Loup Fricker)

 

La seconde partie évoque la peinture et la sculpture, où se mélangent artistes nationaux et locaux, tous plutôt dans la veine de l'art officiel de l'époque. Visiblement, l'obtention par le Palois René-Marie Castaing du Prix de Rome en 1924 a été l'un des grands évènements locaux en matière artistique à cette époque là. Parmi les oeuvres remarquables, ce tableau du peintre orientaliste spécialisé dans l'Afrique Roger Nivelt. Le tableau en lui-même est charmant mais c'est surtout le cadre, merveille de pastiche africaniste, qui m'a frappé par son inspiration rappellant les portes des palais de la plupart des royaumes d'Afrique de l'ouest.

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(Roger Nivelt, La belle Aminata, 1929, musée des Beaux-Arts de Pau)

 

On est aussi surpris par cette inspiration à la fois art déco et néo-grecque du peintre parisien Emile Aubry (encore un Prix de Rome), qui travailla beaucoup de sujets "païens" remplis de personnages musculeux qui trouvent tous leur juste place dans le tableau, au point de sembler ne plus pouvoir bouger sans faire tomber les autres. J'ai apprécié ce tableau qui a été acquis par le musée de Pau a priori par le biais de la Société des Amis des Arts, association culturelle active depuis 1864 à Pau et qui a contribué à montrer au public palois la production officielle française pendant de nombreuses années au travers de ses expositions.

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(Emile Aubry, La voix de Pan, 1936, musée des Beaux-Arts de Pau)

 

La sculpture de cette époque est surtout illustrée par Viatcheslav Garine, un animalier qui cherche visiblement, à travers ses marbres, à concilier le modelé épuré de Pompon et la manière d'un Rodin avec ce bloc de matière brute dont le sujet semble s'extraire.

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(Viatcheslav Garine, Taureau, 1933, collection du fils de l'artiste)

 

On tombe aussi, un peu par hasard et sans plus d'explication, sur un grand portrait de dame exécuté par le hollandais Kees Van Donghen. Comme les autres, on peut présumer que l'origine de son acquisition par le musée remonte aux expositions des Amis des Arts, mais sans certitude.

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(Kees van Donghen, Portrait d'Anne Diriart, 1924, musée des Beaux-Arts de Pau)

 

Discrètement, le mobilier art déco est lui aussi évoqué avec la présence de cette très belle coiffeuse en palissandre réalisé par l'ébeniste béarnais Souyeux. Encore une fois, on regrette un peu le manque d'explications complémentaires, à plus forte raison pour un travail local pour lequel les sources doivent être facilement accessibles au commissaire de l'expo.

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(Souyeux, Coiffeuse, vers 1930, collection particulière)

 

Très rapidement et par un agrandissement d'une photo-projet, est évoqué l'idée lancée dans les années 1930 de transformer Pau en une ville pour plagistes. Le Gave aurait été aménagé en une sorte de très vaste lac dans lequel, par une série de grands toboggans aquatiques, le baigneur serait descendu directement depuis les hauteurs de la ville. Ce projet d'aménagement futuriste est resté lettre morte faute de financement. Ne reste que cet impressionnant photomontage.

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(Pau-plage, projet du lac de Pau, 1933)

 

L'exposition interroge ensuite la question du régionalisme béarnais dans ces années 1920-1930, de façon plutôt intéressante et convaincante, même si le rapport avec "Pau Art Déco" semble bien ténu désormais. Si l'on est surpris de constater que l'idée régionaliste ne semble pas avoir pénétré fortement le Béarn avant l'entre-deux-guerres, on découvre que le musée apporte quelques arguments, avec notamment la création d'un "Musée béarnais" seulement en 1923 et qui a disparu depuis une date inconnue... L'on trouve bien dans la région, comme dans toutes les autres, quelques sculpteurs ou peintres qui s'essaient aux portraits, souvent de personnes âgées et parfois avec talent.

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(Pierre Cazaubon, Vieille béarnaise, 1920, musée des Beaux-Arts de Pau)

 

Le côté langue régionale et humour est aussi bien illustré par le travail d'Ernest Gabard, peintre et sculpteur local, qui réalisa notamment un bon nombre de monuments aux morts du coin et se fit connaître avec les albums d'aquarelles humoristiques mettant en scène le Caddetou, un vieux Béarnais qui porte un regard amusé et narquois sur le monde. Cela rappelle un peu le travail de grands illustrateurs à la fois régionalistes et engagés, comme Hansi en Alsace.

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(Ernest Gabard, Album Lou Roplane, collection particulière)

 

Au final, une école régionaliste béarnaise ne parvient pas réellement à émerger, sans doute en raison d'un manque de "pittoresque" à plus forte raison en comparaison du Pays Basque, si différent et aux situations si typées. Le cartel à ce sujet est très intéressant et clair.

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(Pierre-Albert Bégaud, Bidarray, 1924, Musée basque, Bayonne)

 

Mon avis sur cette exposition est somme toute assez positif, mais mitigé de quelques détails qui m'ont gêné. Elle a un grand mérite : nous donner une image de la façon dont une station à la mode sous le Second Empire a tenté - sans grand succès - de se retrouver une vocation touristique dans les années 1930 après un relatif déclin à la Belle Epoque avec le développement des bains de mer. L'énergie municipale et l'émergence d'artistes locaux ou venus de plus loin est bien montré. La documentation utilisée a été abondante et l'on sent bien que malgré l'espace assez limité dont elle dispose, l'exposition a été bien travaillée. Les regrets sont de deux ordres : d'une part, la glorification intense de la municipalité de l'époque, et de l'autre un gros défaut lié à l'unité du propos, vraiment peu claire par rapport au titre de l'exposition. Je n'ai compris qu'a posteriori que la partie consacrée au régionalisme, que je viens d'évoquer, faisait bien partie de l'exposition et pas des collections permanentes. 

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(Georges-Clément de Swiecinski, Buste de Paul-Jean Toulet, 1927, musée des Beaux-Arts de Pau)

 

On revient ainsi après avoir fait le tour du rez-de-chaussée (le musée est en forme de croix grecque), dans le hall où se trouve l'accueil et un hall garni d'un escalier menant à l'étage. Là se trouve quelques tableaux à thématique locale ainsi que les portraits des poètes régionaux d'importance nationale Paul-Jean Toulet et Francis Jammes (dont nous avions visité la maison à Orthez).

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(Gonzales de la Pena, Francis Jammes, 1936, musée basque, Bayonne)

 

Dans le hall où prend l'escalier, se déploie la peinture et la sculpture troubadour, célébrant essentiellement ce bon roi Henri IV, natif de Pau. Parmi les tableaux de très grande dimension, on trouve une Abjuration d'Henri IV par Georges Rouget, déposée ici par le musée du Louvre à l'époque où le "plus grand musée du monde" remplissait encore son office décentralisateur via les musées régionaux des Beaux-Arts et non par des opérations marketing, ou une Naissance d'Henri IV par Eugène Deveria, peintre mort à Pau, sa ville d'adoption. Nous y reviendrons car le musée possède de nombreuses oeuvres de cet artiste. Et puis, notons le magnifique marbre de Bosio représentant le futur roi alors âgé d'une petite dizaine d'années. Une sculpture qui fut un des grands succès de l'art troubadour et dont le Louvre possède une version en argent!

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(François Joseph Bosio, Henri IV enfant, 1823)

 

Parmi tous ces tableaux célébrant le "Noust'Henric" il se trouve tout de même quelques travaux sur d'autres figures du "roman national" français, à commencer par Jeanne d'Arc. La sainte Pucelle retrouvant un regain de popularité nationale et nationaliste au début du XXe s., rien d'étonnant à ce que ce qu'on la retrouve sous le pinceau de René-Marie Castaing, le Prix de Rome palois évoqué plus haut, et en 1920, année où la France obtient enfin la canonisation de Jeanne d'Arc, 700 ans après sa naissance.

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(René-Marie Castaing, Jeanne d'Arc entendant les voix, Jeanne d'Arc chef de guerre, Jeanne d'Arc au bûcher, 1920)

 

 Remarquons, parmi toute cette exaltation de l'histoire évènementielle de la France, quelques tableaux qui offrent un autre point de vue, plus intime. Il y a ce portrait d'une jeune femme vêtue simplement qui lit une lettre dans ce qui semble être son jardin. Ses cheveux cachent une partie de son visage et ne permettent pas de distinguer son expression ni de deviner quelle nouvelle peut bien annoncer cette lettre... Ce tableau de Lerolle fait un pendant assez intéressant avec une autre oeuvre, sur la mezzanine.de la même époque et qui évoque aussi les relations épistolaires.

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(Henry Lerolle, La lettre, vers 1880)



Plus explicitement dramatique, ce tableau tout simple est chargé d'une force symbolique d'autant plus puissante et poignante que tout y est dit sans vacarme. Deux enveloppe et leurs lettres, accompagnées de pensées. Un nature morte tout simple donc, si ce n'était la date du tableau (1872) et le lieu d'expédition des lettres : Metz et Strasbourg. Le titre du tableau dévoile le mystère pour ceux qui n'auraient pas compris : ces Lettres d'Alsace et de Lorraine évoquent la perte par la France du territoire des actuels départements alsaciens et de la Moselle. Une très belle acquisition récente du musée de Pau (même si on se demande un peu pourquoi ce musée plutôt qu'un autre dans l'Est de la France...), sur laquelle Didier Rykner s'était enthousiasmé à l'époque.

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(Adolphe-Martial Potémont, Lettres d'Alsace et de Lorraine, 1872)



Notons avant de passer à l'étage proprement dit, la grande collection de tableaux de Devéria qui garnit l'escalier. Si l'on ne peut qu'apprécier la qualité du travail du peintre et la grande diversité de ses sujets, les cartels qui lui sont consacrés sont particulièrement... choupi dans l'emphase alambiquée et ridicule pour le plaisir. Un peu comme si le maire de Champignac avait un temps été conservateur en ces lieux...

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(Eugène Devéria, L'inondation, 1840-1841)

 

Toujours pour le côté à la fois régional et troubadour, signalons ce tableau de Millin du Perreux, qui compose à la fois une belle vue du château de Pau un peu à la manière des paysages romains, tout en y introduisant une petite scène qui se veut historique. En l'occurence, vu les vilains et les gardes qui ont les yeux tournés vers lui, vu la matrone qui le tient dans les bras et le barbu avec chapeau à plumes qui lui fait guili-guili, il y a de forte chance que l'enfant que l'on trimballe au premier plan soit le jeune Henri de Navarre, futur Henri IV.

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(Alexandre Millin du Perreux, Vue du château de Pau où naquit Henri IV, 1820-1822)

 

Viennent ensuite des collections moins directement attachées à la culture et à l'histoire locale, en particulier quelques oeuvres espagnoles à sujet religieux, notamment une très jolie Vierge en bois peint du XVIIIe s. ou cette Cène à Emmaüs d'un caravagesque espagnol inconnu (parfois identifié comme Alonso Rodriguez) et qui a été récemment restauré

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(Maître des Emmaüs de Pau, La Cène à Emmaüs, XVIIe s.)

 

En matière de peinture espagnole, le musée s'enorgueillit tout particulièrement de son Gréco, un Saint François d'Assise plutôt lugubre et assez typique de la manière très particulière de ce peintre.

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(Le Gréco, Saint François recevant les stigmates, 1590-1595)

 

 Le XVIIe s. compte aussi un lot de quelques belles toiles flamandes signées Frans Francken III ou Van Balen, un suiveur de Rubens. Cette entrée des animaux dans l'Arche est un sujet assez classique des ateliers de Brueghel de Velours (dont il existe plusieurs versions), mais reste toujours un plaisir à détailler à la découverte de cette fantaisie exotique assez maîtrisée. Les animaux sont d'une variété et d'une finesse rare, qui témoignent d'un souci d'exactitude dans la représentation, que celle-ci soit issue de l'observation directe ou dérive des gravures qui circulaient abondamment.

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(Jan Brueghel de Velours, L'entrée dans l'Arche, vers 1610-1615)

 

En ce qui concerne la peinture française, on remarquera un portrait d'homme par Hyacinthe Rigaud et une très jolie toile de Largillière représentant une dame qui n'est pas identifiée de façon certaine, habillée en Diane.

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(Nicolas de Largillière, Portrait de femme en Diane - dite à tort Mlle de Barral, vers 1715) 

 

Le musée déploie ensuite sa superbe collection du XIXe s., qui concentre toutes les tendances au dépaysement qui parcourent la peinture de cette époque : sujets espagnols, orientalisme, thèmes anecdotiques... Les sujets orientalistes sont assez classiques : scènes de vie quotidienne, attention portée aux femmes arabes toujours un peu mystérieuses, etc...

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(Gustave Achille Guillaumet, La source du figuier à Aîn-Kerma, 1867)

 

Une petite sculpture témoigne aussi de cet intérêt pour les sujets arabes, essentiellement liés à l'Algérie fraîchement colonisée et idéalisée, comme c'est le cas ici avec ce petit bronze. Tout y est, l'Arabe en costume traditionnel, fier mais tendre avec la monture qui l'a accompagné et fait sa réputation dans la fantasia. Et pour une touche supplémentaire de pittoresque, l'inévitable palmier qui surveille la scène. Il est à noter que son auteur, le sculpteur Marochetti connaîtra une immense carrière : il se taille des succès considérable d'abord en Italie, son pays natal (c'est lui qui sculpta la statue équestre d'Emmanuel-Philibert de Savoie qui se trouve sur la place San Carlo de Turin), puis en France où il réalise notamment l'autel de l'église de la Madeleine, et enfin en Angleterre où il finit ses jours couvert d'honneurs par la reine Victoria en réalisant de nombreuses commandes publiques à la gloire de la monarchie britannique.

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(Charles Marochetti, Arabe pleurant son coursier, vers 1840)

 

Mais dans la veine pittoresque, ce sont sans doute les sujets espagnols qui gagnent la palme : processions religieuses, joueurs de cartes aux trognes peu engageantes, sports et coutumes traditionnels...

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(Louis Capdevielle, Espagnols, 1879)

 

Au-delà de leur aspect exotique et anecdotique, certains tableaux possèdent une certaine valeur documentaire, à l'instar de ce tableau de l'orientaliste Dehodencq, qui nous présente une corrida du milieu du XIXe s., a priori dans une petite ville (le premier titre du tableau la situait à Madrid, ce que l'on peine à croire). Pas encore d'arènes (les premières se construisent seulement), pas de protection particulière, pas d'épée. Mais déjà la cape et le costume un peu spécial du toréador sont là, ce qui nous montre le processus de mûrissement de cette tradition taurine en pleine action.

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(Alfred Dehodencq, Course de taureaux en Espagne, vers 1850)

 

D'autres grosses bêtes également, mais plus pacifiques, sont représentées par Paul Michel Dupuy, un natif de Pau qui nous montre le Jardin d'Acclimation comme une Inde pour enfants, où petits garçons et petites filles s'offrent une promenade à dos d'éléphant. Une sorte de chasse au tigre "pour de rire".

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(Paul Michel Dupuy, Au Jardin d'Acclimatation : les éléphants, 1901)

 

Le reste de la collection de la fin du XIXe s. présente une connotation franchement plus sociale, avec des toiles qui sont signées de petits maîtres, souvent locaux, mais qui valent à la fois par leur qualité d'exécution et par leur intérêt documentaire. Cette préoccupation est inscrite en filigrane dans ce portrait d'un tailleur occupé à sa tâche, auquel le curieux titre - à vocation humoristique alors que rien ne s'y prête - de "Le concierge est tailleur" a été attribué.

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(Ernest Bordes, Le concierge est tailleur, 1881)

 

L'aspect social devient totalement explicite devant cette manifestation de grévistes du Creusot, qui défilent en portant non un drapeau rouge comme on pourrait le croire, mais un drapeau français! L'oeuvre est signée de Jules Adler, connu pour son attention portée aux sujets illustrant la vie ou faisant le portrait des gens de condition sociale très modeste. La grande question est la suivante : comment et pourquoi la ville de Pau, en 1901 (soit deux ans après son exécution) a-t-elle décidé d'acheter ce tableau d'un peintre sans attache locale (c'est un Franc-Comtois travaillant à Paris) et qui illustre une lutte sociale au Creusot, dans le sud de la Bourgogne?

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(Jules Adler, La grève au Creusot, 1899)

 

Presque sans transition (aucune oeuvre des années 1900 à 1950), l'on passe à l'art dit contemporain. L'ensemble n'a pas une énorme cohérence d'ensemble et comme souvent dans les musées municipaux qui se veulent dynamique, on a l'impression que l'on a fait des achats d'art contemporain au petit bonheur, pour contenter les appétits de "politique culturelle" de la ville. Ceci dit, quelques oeuvres surnagent, à commencer par ce bidule de Jean Arp, sorte de sculpture-calligraphie-objet design. C'est plutôt amusant, mais on se demande pourquoi la ville de Pau s'est encombrée d'un tel achat en 2010 alors qu'elle ne possède aucune autre oeuvre de cet artiste; mais bon, admettons.

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(Jean Arp, sans titre, date inconnue)

 

J'ai beaucoup plus apprécié (et compris) la cohérence et l'intelligence des choix dans la présence d'oeuvres espagnoles des années 1970, que je connais très mal et qui sont à la fois d'une grande liberté et d'un certain humour dans leur façon de rendre hommage aux maîtres écrasants de la peinture espagnole. Ici, le groupe Chronica reprend la figure de Saint François d'Assise par Le Gréco (dont une version se trouve dans le musée et a été citée plus haut - toi aussi ami lecteur, amuse-toi à la retrouver!) en lui ajoutant une sorte d'oeuf peut-être emprunté à Dali et un fatras géométrique qui rappelle de loin l'oeuvre de Chirico. Un très plaisant clin d'oeil du musée à ses propres collections.

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(Equipo Chronica, Barcelone, Considération sur la Métaphysique, 1972)

 


On pourrait aussi citer, toujours dans la même veine, ces fameuses Ménines de Vélasquez que le catalan Antoni Taule, las de les voir immobiles au Prado, a fait voyager de par le monde : Russie, Brésil, etc... Une très plaisante version artistique et moins cul-cul du nain de jardin d'Amélie Poulain.

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(Antoni Taule, Leningrad, 1975)

 

Nous achevons notre petite après-midi paloise par quelques classiques la promenade dans la ville. Le parc et le Palais Beaumont, cet ancien casino du début XXe siècle qui n'a connu la réhabilitation qu'en 1996, après plus d'un demi-siècle de vicissitudes...

Palais Beaumont

(Palais Beaumont)

 

De là, nous embrayons sur le Boulevard des Pyrénées où demeurent quelques beaux restes de ce Pau art déco que le musée nous avait fait entrevoir.

Hôtel Art déco, Bld des Pyrénées

(Boulevard des Pyrénées, immeuble Art déco)

 

Et puis, miracle, ce jour-là... les Pyrénées étaient visibles! Et bien en plus! Ah, ces fameuses Pyrénées, si majestueuses depuis ce long balcon qui borde Pau... ces Pyrénées qu'on ne voit pas en été, mais qu'on voit en hiver... s'il n'y a ni pluie, ni neige, ni nuages... Je ricane, mais il est vrai que lorsqu'on a la chance de s'y trouver le bon jour, la vue sur cette barrière dentelée est très plaisante.

Pyrénées (3)

(Les Pyrénées existent, je les ai vues!)

 

 

 

 

 

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