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Nouvelle Feuille
24 mai 2010

La rencontre entre deux mondes

Récemment, nous sommes allés voir l'exposition sur les Arts du Gandhara au musée Guimet. L'art du Gandhara, pour résumer à grands traits, est cet art qui fusionne à la fois des traits grecs hellénistiques et indiens, qui s'est épanoui du Ier au Ve siècle de notre ère dans une région aujourd'hui située essentiellement au nord du Pakistan et en Afghanistan.

Cette région au contact de deux grandes aires de civilisation, ressemble à ça:

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(Vallée du Swat, Site de Ninogram, © Pierre Cambon, 1987)

L'exposition qui est consacré à cet art étonnant et à bien des égards essentiel dans ses apports au monde bouddhique, est itinérante et se trouve à Paris après être passée par Bonn, Berlin et Zürich. Le tout passé au filtre des spécialistes du musée Guimet. Ce qui en ressort est l'impression d'une exposition aux pièces exceptionnelles (la plupart viennent des musées pakistanais) mais un peu ardue à vraiment saisir pour le béotien. Pas pédagogique pour deux sous, on sent bien qu'il s'agit d'un travail de spécialistes pour des spécialistes, ce qui est regrettable, car elle risque de rebuter assez fortement le grand public auquel il manque souvent les notions essentielles en particulier concernant le monde indien et la religion bouddhiste.

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(Musique et danse, Pakistan, Swat, Musée d'Islamabad, © Droits réservés)

Malgré ce bémol, le grand nombre de pièces exposées ainsi que leur qualité mérite qu'on fasse l'effort de s'y rendre, en ayant au préalable un peu dégrossi le sujet. L'essentiel des pièces sont des sculptures, des bas-reliefs pour la plupart, et quelques rondes-bosses.

Le Gandhara est un royaume bouddhiste né aux confins des cultures hellénistiques, indiens et parthes. C'est dans ce contexte que s'effectue une fusion entre la religion bouddhique et l'art grec, donnant ainsi, semble-t-il pour la première fois de l'histoire, un visage au Bouddha, toujours représenté jusque là de façon aniconique dans l'art indien. On mesure alors quelle révolution esthétique et quel renouveau a apporté la sculpture grecque dans cette partie du monde.

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(La retraite de Bouddha, Pakistan, Taxila, Taxila Museum, © Droits réservés)

Les thèmes iconographiques purement grecs sont rares, mais toutefois pas inexistants, comme en témoigne cette rare Athéna.

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(Athéna, Pakistan, Gandhara, Musée de Lahore, © Droits réservés)

Au-delà des représentations religieuses, c'est tout un vocabulaire décoratif nouveau que le monde hellénistique laisse en héritage, en particulier dans les frises, arches et chapiteaux.

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(Reliquaire de Kanishka avec inscription, Pakistan, Gandhara, Shah-ji-ki-dheri, Musée de Peshawar, © Droits réservés)

Si nous n'avions peur à la fois du décalage géographique et de l'anachronisme, on pourrait presque voir dans chapiteau habité une préfiguration de l'art roman occidental.

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(Chapiteau à figure, Pakistan, Swat, Musée du Swat, © Droits réservés)

Attardons-nous quelques instants sur une belle pièce, assez typique des productions du Gandhara, par son iconographie tout à fait indienne et son traitement parfaitement grec. Il s'agit d'une représentation d'un épisode de la vie du Bouddha dans lequel Mara, le démon des illusions, envoie ses soldats et ses illusions démoniaques au futur Bouddha en passe d'atteindre l'éveil afin de l'en distraire.

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(Soldats de Mara, Pakistan, Gandhara, Musée de Lahore, © Droits réservés)

Pour finir cette présentation rapide et pas vraiment exhaustive, il faut évoquer la plus belle pièce de l'exposition par sa qualité et le talent de son créateur. Cette magnifique apothéose bouddhique est saisissante par la qualité de sa sculpture en très-haut-relief (c'est-à-dire évidée à l'arrière), par le nombre et la richesse de ses détails, et le tout d'une seule pièce. Cette oeuvre à elle seule, malgré le côté scientifiquement pointu et peu accessible de l'exposition, mérite d'y venir un tour. Sans compter qu'elle se trouve en temps normal au musée de Lahore, au Pakistan, un pays assez difficile pour aller y faire du tourisme... Argument supplémentaire: à part quelques mémères, cette exposition est le plus souvent presque déserte en cette fin de printemps. Profitez-en, ce ne sera peut-être plus le cas quand les grandes vacances seront là...

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(Apothéose bouddhique, Pakistan, Gandhara, Musée de Lahore, © Droits réservés)

NB: Il est possible d'admirer cette oeuvre en détails ici, pour ceux qui ne pourront la voir en vrai.

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Commentaires
K
Une exposition dont je n'avais absolument pas entendu parler! Si j'étais parisienne, tu m'aurais largement convaincue.
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