L'arrivée du Tour de France
Ah! Le Tour de France! Que voilà une belle épreuve sportive, un spectacle populaire dans le bon sens du terme malgré les tristes affaires qui ternissent ce beau et difficile sport.
Cette année, pour une fois, nous nous trouvions à Paris lors de l'arrivée du Tour sur les Champs-Elysées. Et cette année, les champs avaient une couleur dominante plutôt britannique (et la consommation d'alcool était également essentiellement britannique).
Exceptionnellement aussi, cette année nous avions ma chère belle-soeur avec nous, qui a donc tenu à venir par cette chaude journée pour suivre attentivement l'épreuve du jour :
Je suis persuadé qu'en fait, elle se fiche pas mal du cyclisme, mais le vainqueur étant anglais, je pense que... enfin, je me comprends.... Hein Jeanne?!
Bref, le Tour de France c'est chouette parce qu'avant il y a LA caravane. Et la caravane, c'était le moment de choix quand, enfant, j'ai eu parfois l'occasion de voir une étape lorsque la Grande Boucle passait par les Vosges ou l'Alsace.
Parce que la caravane, c'est une merveille pour un enfant. C'est ce qui précède les champions qu'on voit à peine, fonçant sur leurs bicyclettes, un peu à la manière dont les chars pleins de friandises précèdent le grand Saint Nicolas et le sinistre Père Fouettard. Une sorte de Saint Nicolas perdue au coeur des vacances d'été.
C'est grandiose, coloré, impressionnant et ça jette des cadeaux à droite et à gauche, tout le monde est servi, il n'y a pas de perdant. Chacun court de quelques pas pour attraper une bricole publicitaire tombée dans un fourré ou sur le trottoir.
Hélas, à Paris - ce que j'ignorait - la joie est finie : pas de petits cadeaux balancés dans la foule, rien. Pourtant il leur en restait des cadeaux, je les ai vu. Mais il semble que la mesure soit prise afin d'éviter tout débordement en plein coeur de Paris.
Bon, heureusement, tout le reste du barnum est là, avec en particulier les diverses hôtesses plus ou moins motivées (surtout le dernier jour, après trois semaines sans doute épuisantes pour elles aussi). Si certaines sont en effet un peu amorphes, abruties de chaleur et de fatigue, d'autre puisent encore l'énergie pour agiter les bras, se trémousser, sourire et saluer la foule.
En voyant la voiture du journal l'Equipe, on songe à Antoine Blondin, pochtron sublime qui fit les plus belles pages de ce journal à l'époque où l'information sportive était moins instantanée et où les journalistes avaient le droit de décrire avec style les exploits des champions, leurs souffrances et tout le reste. Rappellons donc à cette occasion cette définition simple et efficace du cyclisme : "L'exercice de la bicyclette est une activité où toutes les fonctions naturelles, hormis celles de la reproduction, sont appelées à jouer un rôle."
De la caravane, on retiendra particulièrement la voiture Banette qui arbore la forme d'un énorme empilage de baguettes, assez originale.
Ou bien ce magnifique canard jaune (je ne sais même pas pour quelle marque il défilait cet oiseau-là), qui m'a irrésistiblement fait penser à ce bon Hubert Bonisseur de la Bath.
A mesure que l'après-midi avance, que l'attente des coureurs devient plus tendue et que ma fiancée et sa soeur brûlent doucement au soleil, l'envie d'un rafraîchissement se fait sentir. Hélas, à l'inverse des deux couples d'Anglais non loin de nous qui viennent d'achever leur cinquième bouteille de rosé, nous n'avons rien à boire. Et c'est alors que surgit l'ultime torture :
Heureusement, peu après c'est au tour du char Vittel de passer, avec une hôtesse qui brumise généreusement le public desséché. Nous n'en aurons hélas pas beaucoup, à peine une sensation de fraîcheur vite évaporée.
Mais nous n'avons pas le temps de trop y penser, car la rumeur enfle : les forçats de la route arrivent. Tous les moyens sont bons pour essayer de voir un peu mieux, y compris l'équilibrisme.
Et c'est le passage, toujours trop rapide et un peu décevant : les photos sont floues, ne laissant qu'une impression de vitesse, il est très difficile d'identifier qui que ce soit... Seul avantage des Champs Elysées : ils repassent huit fois devant nous, de quoi en profiter un peu plus et se passionner pour les échappés du jour. On se tend, on écoute les paroles du speaker qui signale la fonte de leur avance sur le peloton, cet ogre qui veut les dévorer. On les voit passer et on calcule soi-même l'écart. 20 secondes. 14 secondes. 8 secondes. 3 secondes. C'est fini, l'échappée est rattrappée, l'arrivée se jugera au sprint. Trop tard, mais on y aura cru ou fait semblant d'y croire.
L'épreuve s'achève. Bradley Wiggins est vainqueur du Tour, une première pour un Britannique. Les Anglais exultent. Ce soir, la bière coulera à flots.
Et nous remontons chez nous, en espérant que ce petit article un peu léger aura su vous rappeller des souvenirs d'été, de boissons fraîches et d'enfance.