Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Nouvelle Feuille
1 janvier 2009

Un tour au quai Branly. 1: le foutage de gueule

En ce premier janvier nous est venu une idée originale, à savoir aller au musée. Comme il ne restait que quelques jours, nous en avons profité pour aller au musée du quai Branly voir les expositions Upside down, consacrée à l'Arctique et Mingei sur l'art populaire japonais.

Commençons par l'exposition sur l'Arctique... Quelle déception! Nous savions vaguement que l'expo se voulait innovante. En fait d'innovation, nous avons assisté au mélange improbable de la prétention la plus puante de pédanterie assortie d'une régression de la muséographie vers les cabinets de curiosité du XIXe s où seule la "belle pièce" comptait au détriment de la compréhension culturelle plus globale.

branly6
(Ours nageant, culture du Dorset moyen (mais encore? plus précisèment???), Canada)

Tout d'abord on doit prendre un petit livret d'une quinzaine de pages, peu détaillé, afin de piger les oeuvres exposées. Soit...

On passe dans une pièce blanche sensée nous "immerger" dans le monde arctique, sans verticalité et tout blanc. En fait d'expérience sensorielle, on marche sur un sol ordinaire dans une pièce circulaire saupoudrée de neige croustillante dont le seul intérêt pourrait être d'être piétinée afin de se représenter au moins un peu la marche dans ces terres gelées. Mais marcher dessus est interdit, donc en fait d'expérience sensorielle, on a une pièce vide et blanche qui bouffe un espace énorme pour que dalle.

branly5
(Effigie de grand morse, culture de Thulé occidentale, Groenland, XIIe-XVIIIe s.)

Juste après cela, nous sommes accueillis par un film présentant deux danseurs la tête en bas. J'ai du mal à voir le rapport, mais c'est sans doute un parti-pris hyper-hype-trop-tendance qu'un crétin comme moi ne peux saisir.

Bref, passé cette obole presqu'obligée à la "scénographie contemporaine" qui ravit tant les péteux du monde entier (dont un certain Jean-Pierre Thibaudat, dont je ne peux m'empêcher d'épingler la suffisante stupidité, qui proclame sur le site Rue89: "Il faut louer la scénographie de cette exposition consacrée aux anciennes cultures esquimaux. [...] Aucun mot, aucune légende, aucune explication ne vient entraver le rapport à l’oeuvre, donnée comme telle et non comme objet, dans sa belle énigme."
Quand des gens intelligents, cultivés et se disant de gauche en viennent à trouver qu'expliquer quelque chose au bon peuple revient à "entraver" l'appréciation d'un objet, je me dis qu'on nage en plein délire. Si la fonction du musée n'est pas de démocratiser les oeuvres et leur compréhension, d'en faire partager à la fois la fonction, le sens et la beauté au public, quelle est-elle? Ravir quelques prétentieux de la gauche-caviar trop heureux de s'extasier sur leur beau nombril et qui trouvent génial une expo sans explications? ON MARCHE SUR LA TÊTE!)

branly4
(Phoque nageant, culture d'Ekven, Sibérie, Ier-XIe s.)

Bref, ensuite nous avons, toujours sans aucun cartel, ni aucune numérotation qui nous rendrait plus intelligible le guide d'exposition et les magnifiques objets présentés, trois vitrines en demi-lunes et un petit paquet de vitrines cubiques mal conçues au possible. Sur le mur convexe, des masques chamaniques, toujours dépourvus d'explication. Le guide sensé palier au manque de cartels est plus que succinct; la présentation, notamment de petits objets dans des cubes super serrés au milieu de la pièce, est très mauvaise et inconfortable au possible surtout un jour d'affluence. Qui plus est, le guide succinct qui accompagne l'expo est plus qu'approximatif sur bien des points (les dates notamment).

Bref, rien n'est fait pour le visiteur dont la compréhension intime du monde arctique - but affiché de l'exposition - se réduit à sa sortie à ceci: l'Arctique, c'est blanc, les gens y pratiquent des rituels chamaniques et utilisent des masques. Rien que je ne savais déjà. Merci le quai Branly, j'ai beaucoup appris...

branly2
(Masque du plongeon, culture Yup'ik, Alaska, date?.)

En gros, si on veut réellement apprendre des choses dans cette exposition et les objets magnifiques, réellement, qui y sont présentés, il faut dépenser 39 euros et acquérir le catalogue (qui a l'air a priori de comporter des erreurs, notamment des confusions entre ivoire et bois de renne...). Allez-y si vraiment cela vous passionne, car ces objets venus de Russie, du Canada, des Etats-Unis, ne sont pas près de revenir en France. Sinon, contentez-vous du dossier de presse, qui vous en apprendra plus qu'une visite sur place, ce qui est vraiment d'une insondable tristesse intellectuelle...

Verdict:

1- Le musée du quai Branly présentera des excuses aux peuples arctiques pour avoir si mal mis en valeur leurs productions traditionnelles et artistiques; et des excuses au peuple français pour avoir volontairement entravé sa connaissance du grand Nord.

2- MM. Edmund Carpenter (commissaire de l'expo) et Doug Wheeler (directeur artistique) seront exposés au pilori en place publique pendant 40 jours avant d'être renvoyés dans leurs pays respectifs marqués du sceau de l'infâmie.

3- L'expo sera présentée à nouveau au quai Branly avec des cartels et des explications correctes afin de permettre aux Français une meilleure connaissance du monde arctique.

4- Tous les péteux qui ont glorifié cette exposition sans rien y comprendre "parce que c'est la mode" et tous les journaux qui ont publiés des articles vantant cette expo sans même visiblement y avoir mis les pieds, sont condamnés à relire les oeuvres intégrales de Jean Malaurie et de Paul-Emile Victor.

branly3
(Masque de caribou-morse, culture Yup'ik, Alaska, début XXe s.)

Publicité
Publicité
Commentaires
Nouvelle Feuille
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité