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Nouvelle Feuille
19 décembre 2009

Teotihuacan

Une exposition exceptionnelle et qui fera date aussi bien pour le grand public américain et européen (en effet, depuis Monterrey, l'exposition passe par Paris, puis Zürich et Berlin) qui va la découvrir que pour les spécialistes du monde méso-américain, voilà ce que nous propose le Quai Branly pour passer cet hiver.

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(Masque de Malinaltepec, IV-Ve s., Museo Nacional de Antropologia)

Au programme, un bilan des connaissances que l'on possède désormais (d'importantes fouilles ont été réalisées sur place de 1998 à 2004) sur l'un des sites les plus grands et les plus mystérieux du Mexique: Teotihuacan.

Proche de la Mexico moderne, le site de Teotihuacan a rayonné sur une bonne partie de l'Amérique centrale du Ier siècle avant J-C au VIIe s. après. Cette ville-civilisation antique brillante a accueilli jusqu'à 100 000 habitants et son influence s'est étendue longtemps après, notamment auprès de l'empire aztèque qui, découvrant cette cité abandonnée depuis 600 ans l'on appelé Teotihuacan ("l'endroit où naissent les Dieux") impressionnés par sa beauté monumentale.

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(Jarres anthopomorphes, IV-Ve s., Museo Nacional de Antropologia; Museo Amparo)

L'exposition occupe un espace immense dans le musée et tente, par sa muséographie, de donner une idée du plan de la ville et de son organisation. Cet aspect-là de l'exposition est intéressant mais pas entièrement convaincant à mon sens; son seul mérite est de donner un peu d'espace, un peu d'air dans cette expo surbondée. Par contre, la façon dont est retracée, au travers de plus de 450 objets, l'importance historique et artistique majeure de Teotihuacan est remarquable. Le musée n'a d'ailleurs pas eu son mot à dire dans l'organisation et la présentation des oeuvres, qui est le copié-collé exact de celle du Mexique.

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(Jaguar de Xalla, élément d'un palais, 350-650, Museo Nacional de Antropologia)

La ville toute entière semble avoir été tournée vers la religion: à l'exception des palais des dirigeants, les seuls monuments à émerger vraiment de façon imposante et à faire l'objet de soins architecturaux et décoratifs intensifs sont les temples et pyramides. L'organisation sociale est, elle, mal connue. On suppose, sans certitudes, l'existence d'une classe dirigeante éclatée entre pouvoir séculier et pouvoir religieux. La politique générale de la ville semble avoir été conduite par quatre "classes" dirigeantes: les prêtres, les commerçants, les ambassadeurs et les guerriers, ce dont témoignent de superbes fresques murales d'une fraîcheur étonnante. Au passage, profitons-en pour un bon et un mauvais point combinés: il est merveilleux de pouvoir, comme c'est rarissime dans les expositions temporaires, prendre des photos. Mais qu'il est malheureux que les gardiens laissent les flashs! On ne le répétera jamais assez, et il faudrait que cela rentre aussi bien dans la tête des personnels des musées que dans celle du public: prendre une photo ne fait aucun mal à une oeuvre; utiliser un flash cause peu à peu des dégats irrémédiables.

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(Conque stuquée, peinture à fresque, 150-650, Museo Nacional de Antropologia)

Un des grands intérêts de l'exposition, au-delà de l'aspect monumental et religieux, est de s'attarder sur la vie quotidienne aussi bien dans les palais que dans les habitations plus populaires, dont les schémas copient, à leur façon plus modeste, l'organisation palatiale. Les palais, dans lesquels vivaient les classes supérieures, abritaient, outre la famille au sens large, de nombreux artisans, gardes et marchands, logés sur place selon leur importance hiérarchique. Cela laisse supposer de l'énorme richesse de l'oligarchie dirigeante.

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(Vases miniatures de Tlaloc, 150-650, Museo Nacional de Antropologia, Museo Diego Rivera Anahuacalli)

La partie liée à l'artisanat exceptionnel qui s'est développé à Teotihuacan est indissiociable de celle sur ses relations avec le reste du monde méso-américain, tant ses réseaux commerciaux et diplomatiques lui fournissaient d'artisans et de matières premières rares (coquillages, plumes, os, etc).

Témoin de la haute qualité de cet artisanat, cette incroyable "poule folle":

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(Pot zoomorphe, 150-550, Museo Nacional de Antropologia)

Le parcours s'achève très logiquement sur la chute mystérieuse de la cité: catastrophe naturelle? guerre? émeutes? La ville semble avoir connu des évènements tragiques au VIe s. et a décliné ensuite, se vidant progressivement jusqu'à son abandon total au siècle suivant.

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(Couvercle d'encensoir, 500, Zona Arquelogica de Teotihuacan)

Malgré cette chute brutale, l'art et la religion de Teotihuacan n'a pas cessé d'influencer ses successeurs, notamment Mayas et Aztèques, pour lesquels cette cité constitue une sorte de zénith artistique et culturel que l'on cherche souvent à imiter.

Cette pièce est révélatrice de cette influence "post-mortem" pourrait-on dire: Cette figurine gigogne est de style purement Teotihuacan, tandis que les gravures qui ornent le vase dans lequel elle se trouvait est de style maya.

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(Figurine gigogne, 450-550, Museo Regional de Yucatan)

Bref, tout ceci n'est qu'un petit aperçu de cette exposition qui, on l'aura compris, est enthousiasmante aussi bien pour sa qualité scientifique que pour la richesse et la beauté des oeuvres qu'elle présente. NB: Cet article étant "antidaté", l'exposition est hélas finie depuis la fin janvier 2010. Mais si vous avez vraiment envie de la voir (et vous auriez raison), elle sera visible:
- Au musée Rietberg de Zürich du 21 février au 30 mai 2010.
- Au Martin-Gropius-Bau de Berlin du 1er juillet au 10 octobre 2010.

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(Récipient en forme de tatou, 250-650, Ethnologisches Museum, Berlin)

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