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Nouvelle Feuille
8 mai 2010

Méroé, un carrefour d'influences

J'ai parlé récemment de la superbe exposition consacrée à la Russie qui se tient en se moment au Louvre. Néanmoins, je serais injuste si je ne signalais pas également la présence jusqu'en septembre, dans l'aile Richelieu de ce même musée, une exposition consacrée à l'Empire de Méroé.

Si je connaissais Méroé au moins de nom, avec notamment ses petites pyramides de type égyptien, je le situais assez mal dans le temps et dans l'espace. Comme je ne suis sans doute pas le seul dans ce cas, je vais aider tout le monde: Méroé succède au royaume nubien de Napata au IIIe siècle avant J-C et disparaît seulement au Ve siècle de notre ère. Géographiquement, cette civilisation s'étend de la frontière actuelle entre l'Egypte et le Soudan jusqu'aux régions frontalières de l'Erythrée et l'Ethiopie, en remontant la vallée du Nil.

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(Cliquez pour agrandir. Source: www.louvre.fr)

L'intérêt de l'exposition, qui n'attirera peut-être pas par la dimension exceptionnelle de ses pièces (encore que...) est importante pour faire le point de la connaissance scientifique récente sur ce royaume, notamment par la présentation des résultats des fouilles menées par le Louvre à Mouweis depuis 2007. Je conseille d'ailleurs à tous ceux qui s'y intéresseraient l'excellent documentaire consacré à ces fouilles dans l'émission Un soir au musée, qui est passé sur France 5 récemment et qui n'est hélas plus visible en ligne. Espérons que la chaine aura la bonne idée de le rediffuser.

Et si l'on est frappé par l'impact énorme et essentiel de la civilisation égyptienne voisine sur Méroé, quelques traits et influences différentes se dégagent, avec des influences purement locales, mais également gréco-romaines, orientales... Bref, c'est un monde ouvert et une zone de transit commercial important entre la corne de l'Afrique, la Méditerranée et l'Arabie qui s'ouvre à notre compréhension.

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(Prisonnier ligoté transpercé par un pieu, Grès ; Tabo, Ier s. av. ou apr. J.-C. ; Khartoum)

Quelques thématiques sont assez originales, comme celle consacrée au vin, où l'on découvre l'un des rares emprunts à la civilisation gréco-latine, le dieu Dyonisos et son cortège joyeux. La vigne est un élément stylistique assez fréquent et l'on retrouve des scènes festives sur de nombreux objets d'art. Les divinités sont multiples, mais les deux principales qui protègent le pays et ses monarques sont assez symboliques de la double identité à la fois égyptienne et soudanaise de Méroé: il s'agit d'Amon et d'Apemedak.

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(Tête de Dionysos appartenant à une statue porte-flambeau, Bronze et argent, H. : 12,5 cm ; Méroé, nécropole Nord, milieu du Ier s. apr. J.-C. ; Khartoum)

Malgré la présence de ces éléments qui font de Méroé une civilisation ouverte au monde au-delà de l'Egypte, on ne peut nier l'omniprésence de la tutelle culturelle du grand voisin du nord: dieux, iconographie, rites, tout rappelle une Egypte à la fois familière et un peu différente. La difficulté principale qui bloque la connaissance de cette civilisation, outre les problèmes du Soudan, réside dans l'écriture méroïtique: en effet, malgré un corpus de 2000 textes et une écriture au système bien plus simple que celle de l'Egypte classique - et déchiffrée depuis tout pile un siècle - nous ne parvenons qu'à lire cette langue, à la déchiffrer, mais sans en comprendre, comme un enfant de C.P. ânonne sa leçon de lecture. On cherche actuellement, avec des résultats très limités, à la comprendre par des recoupements avec des langues parlées actuellement par certaines tribus du Soudan et d'Erythrée.

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(Bracelet à fermoir provenant du trésor de la reine Amanishakheto, Décor géométrique en cloisonné ; or incrusté de verre, H. 4,6 cm ; Méroé, nécropole Nord, 1re moitié du Ier s. apr. J.-C. ; Munich, Staatliches Museum Ägyptischer Kunst)

Un des aspects particuliers de cette civilisation semble être l'importance accordée aux femmes de pouvoir. Bien que l'ampleur exact de ce pouvoir soit difficilement saisissable et qu'on s'est sans doute exagéré ce particularisme en voulant parfois y voir un matriarcat, il n'en reste pas moins que plusieurs reines, appelées candaces, ont dirigé le royaume et mené la guerre en son nom. Elles ont laissé nombre de témoignages, en particulier la candace Amanishakhéto qui tint tête aux légions d'Auguste. Il faut noter que les règnes de reines s'intercalent avec des règnes masculins, sans que l'on sache s'il s'agissait de reines-mères, des filles du souverain défunt ou d'autres cas de figures.

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(La candace Amanishakheto reçoit le souffle de vie de la déesse Amesemi, Grès, H. : 26,5 cm ; Naga, 1re moitié du Ier s. apr. J.-C. ; Khartoum)

Il n'entre pas dans mon propos de rentrer dans tous les détails de cette exposition, a fortiori n'étant moi-même pas très versé dans ces périodes et ces régions, mais je ne peux que conseiller, lorsque vous passerez à l'expo Sainte Russie, d'aller jeter un oeil attentif à celle sur Méroé, qui présente une excellente synthèse et des informations récentes et mises à jour par les dernières découvertes archéologiques. Pour vous faire une première idée: Le site du musée du Louvre.

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(Statue d’un roi archer, Bronze stuqué et doré ; Tabo, IIe s. av. J.-C. ; Khartoum)

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