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Nouvelle Feuille
20 décembre 2011

Où nos pas nous mènent dans le quartier Latin

Oui, je sais, j'ai comme qui dirait un petit peu de retard, mais c'est pas de ma faute, la société où je bosse n'accorde pas de "congé-blog".

 

Donc on revient il n'y a pas si longtemps, vers la mi-septembre, le 18 plus précisèment, heureux jour où nous décidâmes de profiter de ces journées du patrimoine pour aller visiter l'Observatoire, et au-delà, d'aller voir ce qui était ouvert et intéressant dans les alentours du boulevard Saint-Michel.

L'Observatoire tout d'abord. Il s'agit d'un haut lieu de l'histoire de la science en France et dans le monde. Bâti en 1667 par Louis XIV sur pression des scientifiques de l'époque. L'édifice, conçu par l'architecte Charles Perrault, est toujours en activité, même s'il est aujourd'hui plus un centre d'étude et d'enseignement que d'observation très poussée, une activité impossible en raison des lumières de la ville éponyme. Evidemment, il faut s'imaginer qu'à la fin du XVIIe s., cet endroit aujourd'hui au bout du quartier Latin était alors en pleine cambrousse.

Observatoire (4)

(Observatoire de Paris, façade sur jardin, 1667)

 

 A l'intérieur comme à l'extérieur, le bâtiment est élégant et sobre, pour ne pas dire austère. L'intérieur abrite, pour ces journées du patrimoine, des expositions pédagogiques et photographiques. On peut également y voir de nombreux instruments scientifiques anciens et l'on peut aussi, exceptionnellement, accéder à la coupole. Hélas, la coupole n'est accessible qu'à un nombre très limité de personnes par jour, ce qui peut se comprendre mais reste atrocement frustrant; pour le reste, la foule est si dense dans des espaces qui en manquent, d'espace, que la visite est franchement désagréable et peu motivante. Malgré quelques éléments intéressants, comme le méridien de Paris matérialisé sur le sol de la grande salle du second étage ou le puits de lumière qui servit à la démonstration du pendule de Foucault. L'ensemble de cette grande salle d'expérience est habillé d'un appareillage de pierre, sans aucune fantaisie décorative. La froideur scientifique à la mode du XVIIe s. et surtout une preuve du peu d'intérêt que Louis XIV, pourtant protecteur avisé des sciences, portait à l'Observatoire.

DSCN8670 

(Salle de la méridienne)

 

Bref, frustrés et fatigués par la foule qui se presse, nous écourtons notre visite, et descendons le boulevard Saint Michel sur quelques dizaines de mètres. Très vite infidèles au "Boul'Mich", nous nous dirigeons vers les colonnes et les volutes du baroque français qui nous attirent. Il s'agit du Val-de-Grâce, sur lequel nous ne nous sommes jamais vraiment attardés.

Eglise du Val-de-Grâce

(Eglise du Val-de-Grâce, 1645-1667)

 

Vingt ans avant la construction du Val-de-Grâce actuel, la reine Anne d'Autriche avait déjà établi en ce lieu hors les murs un couvent de bénédictines. Une fois son fils devenu roi, elle fait bâtir l'église que nous connaissons par François Mansart puis Jacques Lemercier et Pierre Le Muet. Finalement achevés en 1667, la chapelle et les bâtiments conventuels sont des chefs-d'oeuvre du "classicisme" français du XVIIe s.  Depuis la Révolution, le lieu est devenu un hôpital militaire, pour lequel un autre bâtiment a été édifié non loin en 1979. Aujourd'hui, il abrite surtout le musée du service de santé des armées, des salles de cours et diverses administrations militaires hospitalières.

Nous démarrons la visite par les bâtiments conventuels. Quelques petites sculptures réalisées par des vétérinaires militaires y sont exposées.

Oeuvres d'un artiste vétérinaire (3)

 

 

La salle capitulaire est ornée de quelques oeuvres d'art, dont une tapisserie des Gobelins traitant un sujet original : le malade imaginaire et deux portraits de Philippe de Champaigne représentant Louis XIII et Anne d'Autriche.

Portraits de Louis XIII et Anne d'Autriche, Ph

(Philippe de Champaigne, Louis XIII et Anne d'Autriche)

 

La suite de la visite nous fait passer par le superbe cloître classique autour duquel s'organisaient les chambres des malades, et sur lequel donnait auparavant un pavillon bâti pour la reine.

Cloître (3)

(Cloître)

 

On passe ensuite par l'ancien réfectoire, depuis lors coupé en deux : d'un côté l'amphithéâtre et de l'autre une salle de cours plus modeste. Ces salles servent à la formation des médecins militaires; en effet, la médecine militaire est une spécialité médicale dont la dernière année de cursus se déroule dans ce cadre prestigieux.

Salle Michel-Lévy

(Salle Michel-Lévy)

 

Nous passons ensuite dans les salles du musée, où s'achève une exposition sur l'histoire des vétérinaires militaires. Exposition réellement passionnante; nous n'étions pas venu pour cela, nous en sommes partis ravis. Le rapport des animaux à la guerre est très bien évoqué, à travers essentiellement trois animaux très utilisés et faisant l'objet de "spécialités" dans l'armée : les chiens, les chevaux et les pigeons.

AFFICHE_2

 

 

On peut y voir des choses assez incroyables, comme cette cagoule de protection pour chien parachutiste. Car oui, à une certaine époque (dans les années 1950 pour être plus précis), on a tenté de lancer des chiens-parachutistes... La formule n'a pas vraiment été un succès et l'idée de parachuter les pauvres bêtes (et leurs maîtres) sur l'Indochine a été vite abandonnée.

DSCN8694

(Cagoule de protection pour chien parachutiste, 1951)

 

 Les animaux font partie des forces armées, il faut donc aussi les protéger, y compris contre les gaz : on peut ainsi voir un masque à gaz pour chevaux. Mais les animaux sont aussi des auxiliaires pour les secours, les chiens de sauvetage portaient également des dossards de la Croix Rouge. Et ceci, dans tous les milieux où pouvait se dérouler des combats, y compris les plus difficiles : l'utilisation, pendant la Première Guerre Mondiale, de cette ambulance alpine est remarquable : l'utilisation de l'animal couplé aux traditions montagnardes permet de créer un véhicule très performant dans des conditions difficiles de climat et d'altitude.

Evacuation hippomobile

(Cardinal-Kolsky, Novembre 1917, Evacuation hippomobile avec une schlitte vosgienne transformée en porte-brancard, Ambulance alpine 301) 

 

Les pigeons eux, eurent leurs heures de gloire lors des deux grandes guerres comme messager, parfois au travers de stratagèmes assez complexes, sont également bien évoqués.

On passe aussi devant des pièces venus de l'étonnant musée de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort, comme ce masque en cire d'un des étudiants atteint de la morve, une atroce maladie du cheval transmissible à l'homme.

Specimen de morve chez l'homme

(Spécimen de la morve chez l'Homme, XIXe s.)

 

L'aspect de la recherche et des avancées techniques n'est pas oublié, depuis la chambre de sulfuration pour chevaux, inventée en 1917, dont on voit une jolie maquette, qui se présentait sous la forme d'un box roulant, étanche, avec un trou calfeutré pour seulement laisser dépasser la tête de l'animal tandis que dans la boîte, on le traitait contre la gale.

Chambre à sulfuration pour chevaux

(Chambre à sulfuration pour chevaux, modèle 1943-1945, maquette au 1/3 réalisée par les maréchaux de l'hôpital vétérinaire d'armée de Mulhouse)

 

Enfin, dernière curiosité, on voit le rat "Hector", empaillé, bien sanglé dans son harnais tubulaire. Ce rat n'est pas un rat ordinaire pourtant, il est le premier "français" dans l'espace. Il a en effet été le premier être vivant lancé dans l'espace par la France, depuis la base spatiale d'Hammaguir (désert algérien). Après 8 minutes et 10 secondes de vol ce 22 février 1961 à bord d'une fusée Véronique, Hector était récupéré. Une petite vidéo pour vous prouver la très bonne santé du rat à son retour.

Hector le rat de l'espace

(Le rat Hector)

 

La visite du musée proprement est achevée, et nous repassons dans les parties qui jouxtent l'église. Le Val-de-Grâce est probablement, en architecture religieuse, la quintessence du baroque français.

On accède tout d'abord à la chapelle du Saint Sacrement, qui fait partie de l'église mais est tout de même séparée par une grille. C'est de là que les soeurs du couvent suivaient la messe et recevaient la communion, à travers la grille. Moins ornée que le reste de l'église, elle mérite tout de même le coup d'oeil pour sa coupole et sa décoration.

Coupole de la chapelle du St Sacrement (2)

(Chapelle du Saint Sacrement, coupole)

 

Les reliefs qui ornent les médaillons sont de Michel Anguier et sont à la fois simples et beaux. Ils représentent les pères de l'Eglise : les saints Jérôme, Ambroise, Grégoire et Augustin. L'ensemble est complété par une fresque de Jean-Baptiste de Champaigne (le neveu de l'autre) montrant le Christ donnant la communion aux anges".

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(Michel Anguier, Saint Jérôme)

 

L'église n'est pas bien grande, mais elle marque par l'originalité de son autel, couronné d'un baldaquin torsadé, oeuvre de Gabriel Le Duc qui lorgne ouvertement du côté de celui du Bernin à St-Pierre-de-Rome. 

Baldaquin

(Choeur de l'église du Val-de-Grâce)

 

Cachant toute l'abside, le baldaquin est ici moins perdu dans son environnement que celui de Rome dans l'immense basilique St-Pierre. Le sommet du baldaquin et ses statues se mélangent aux reliefs des médaillons et attire l'oeil sur la fresque de Mignard qui orne la coupole.

Détail du baldaquin 

 

Cette église présente un bon nombre d'éléments baroques venus d'Italie, utilisés avec bonheur dans un lieu voulu par une Reine de France. Le moindre détail est superbe de vie et de mouvement et partout la leçon du Bernin est bien apprise et digérée.

Médaillon (2)

(Médaillon)

 

Dans cette église dédiée à la Nativité, l'autel, composé de trois sculptures de Michel Anguier, forme une sorte de grande crèche de marbre, très vivante. Celle que l'on admire au Val-de-Grâce est une reproduction du XIXe s., l'original ayant été déposé à l'église St-Roch sur demande de Joséphine de Beauharnais, Dieu sait pour quelle obscure raison alors qu'elle avait été conçue pour le Val-de-Grâce et s'y trouvait à l'aise depuis 150 ans... 

Nativité, copie d'une sculpture de Michel Anguier

(Nativité, d'après Michel Anguier)

 

La coupole est donc ornée de la fresque de Pierre Mignard représentant la Gloire des bienheureux, une vaste composition d'inspiration italienne (le peintre a passé 18 ans à Rome) comportant plus de deux cents personnages. L'ensemble, très lumineux et très bien éclairé par les fenêtres du tambour, est hélas peu lisible vu du sol; il aurait fallu des jumelles. Ce qui est regrettable pour une peinture louée en son temps par Molière :

"Toi qui dans cette coupe à ton vaste génie

Comme un ample théâtre heureusement fournie,

Es venu déployer les précieux trésors

Que le Tibre t'a vu ramasser sur ses bords,

Dis-nous, fameux Mignard, par qui te sont versées

Les charmantes beautés de tes nobles pensées,

Et dans quel fonds tu prends cette variété

Dont l'esprit est surpris et l'oeil est enchanté."

(Molière, La Gloire du Val-de-Grâce, 1669 - Vous lirez la version complète de ce petit morceau de flagornerie ICI)

La gloire des bienheureux, Pierre Mignard

(Pierre Mignard, La gloire des Bienheureux, 1663)

 

Mais Mignard et Anguier ne sont pas les seuls artistes majeurs à avoir une forte présence en ces lieux. Philippe de Champaigne y est superbement présents par quatre tableaux, présentés par deux de chaque côté de l'entrée de l'église. Ces tableaux sont magnifiques et le choix de les présenter ici permet de reconstituer un ensemble voulu à l'origine pour l'église du Carmel du faubourg St Jacques. On ne peut que louer la patience, la cohérence et l'intelligence de l'Etat dans cette présentation. Et pour une fois dans ma vie, je remercie l'affreux Karl Lagerfeld, qui s'est fait généreux donateur de l'un des tableaux.

Ascension, Philippe de Champaigne

(Philippe de Champaigne, L'Ascension, avant 1636, Acquis par le ministère de la Défense en 1991)

 

Nous redescendons par la rue Saint-Jacques, en passant devant l'institut océanographique, inauguré en 1911 par le prince Albert Ier de Monaco, passionné d'exploration maritime et de connaissance scientifique. J'ai toujours beaucoup aimé ce bâtiment à bizarre en particulier pour le poulpe qui orne la porte en fer forgée. L'architecture vaguement néo-renaissance italienne, mais agrémentée de divers éléments rappelant le monde maritime est due à Henri-Paul Nenot.

Institut océanographique

(Institut océanographique de Paris, 1906-1911)

 

On arrive ainsi gaiement jusqu'à la rue Soufflot qui mène droit au Panthéon. Nous connaissons déjà le lieu avec ses belles fresques du XIXe s. et les austères tombeaux de nos "grands hommes" qui ont très peu d'intérêt comparés aux hommes en question. Nous préférons nous concentrer sur les alentours, à commencer par la bien connue "BSG" que pourtant, contrairement à des quantités d'étudiants-chercheurs, nous n'avons pas fréquenté. La bibliothèque Sainte-Geneviève donc, est l'un des grands lieux de la vie universitaire à Paris. Mais il s'agit aussi d'un lieu plein d'histoire, qui abrite les archives de l'abbaye Sainte-Geneviève qui se trouvait juste à côté. Parmi ces archives, on peut admirer en ce jour du patrimoine divers objets ethnographiques très anciens (XVIe - XVIIe s.), dans un superbe état de conservation dans les bureaux du directeur, où ils se trouvent, en vitrine à la manière d'un cabinet de curiosités. Ces objets, venus du Canada, des côtes africaines ou des Guyanes, racontent aussi l'histoire des explorations françaises outre-mer et la "première colonisation" française.

BSG, contrepoids d'olifant, XVIIe s

(Contrepoids d'olifant, Afrique orientale, XVIIe s.)

 

Dans le hall qui débouche sur l'escalier menant à la grande salle de lecture du premier étage, quelques manuscrits anciens sont exposés dans une lumière très limitée. Parmi eux, le plus ancien manuscrit de la bibliothèque : un évangéliaire carolingien du IXe s., tout simplement magnifique. On est surpris qu'un ouvrage si précieux et si fragile soit exposé, mais pourquoi pas si toutes les prudences et normes de protection sont prises. On est en tout cas loin de l'excessive prudence presque paranoïaque de la BnF que j'ai eu à subir autrefois.

Evangéliaire carolingien, IXe s

(Evangéliaire carolingien, IXe s., Saint Luc écrivant)

 

Nous accédons à la salle de lecture, une des premières réalisations de cette importance à faire usage de la fonte et du fer dans de telles proportions, et surtout, sans chercher à le cacher, en en faisant étalage. Lumineuse, fonctionnelle, usant de matériaux nouveaux avec élégance, la bibliothèque Sainte Geneviève, élevée en 1851 sur les plans d'Ernest Labrouste, est un manifeste de l'ére industrielle qui s'ouvre alors et de son esthétique. Conçue pour répondre à l'augmentation d'alors du nombre d'étudiants à Paris (surtout avec les lycées Louis-le-Grand et Henri-IV ainsi que la Sorbonne à proximité), elle semble devenue bien modeste aujourd'hui quand on connaît des monstres comme le site François-Mitterrand de la BnF.

Salle de lecture (3)

(Salle de lecture de la bibliothèque Sainte Geneviève)

 

Contournant le Panthéon, nous arrivons tout droit à l'église Saint-Etienne-du-Mont, une des plus belles de Paris sans doute mais une des plus mal connue car trop souvent éclipsée par l'énorme Panthéon qui draine le flot des touristes. Tant mieux, cela laisse plus de quiétude dans ce lieu. La façade frappe déjà, par sa symétrie avec fronton à l'antique, rosace à l'instar des grandes cathédrales gothiques, le tout surmonté d'un pinacle triangulaire; symétrie brusquement brisé par un clocher unique. Ce mélange étonnant forme au final un exemple harmonieux et rare à Paris de transition entre gothique finissant et renaissance (1492-1626). 

Eglise St Etienne du Mont

(Façade de l'église St-Etienne du Mont, 1610-1622)

 

Mais si la façade est très belle, l'intérieur recèle un joyau : le seul  jubé encore en place à Paris. Et pas un petit, un moche ou un contrefait : 

St Etienne du Mont, intérieur

(Eglise St Etienne du Mont)

 

Sa présence ici est d'autant plus surprenante qu'il s'agit d'un ouvrage tardif, installé en 1530, en pleine Renaissance. Et il appartient parfaitement à son époque : pas de réminiscence gothique ici, rien que le pur vocabulaire décoratif de la Renaissance, récité avec finesse et talent dans le marbre. 

Jubé

(Jubé, 1530)

 

Rien que pour admirer ce jubé avec sa richesse décorative, son marbre travaillé comme de la dentelle, sa tribune appuyée sur une voûte longue de neuf mètres, ses escaliers en colimaçon aux deux extrémités, l'église St Etienne du Mont mérite largement la visite.

Jubé, escalier

(Escalier du jubé)

 

Mais d'autres belles oeuvres sont visibles ici, à commencer par cette belle mise au tombeau en terre cuite du XVIe s., de grande qualité et dans un état exceptionnel. On peut également y voir un vieux sarcophage en pierre, aujourd'hui enserré dans une châsse, qui contint à la dépouille de Ste Geneviève.

Mise au tombeau, XVIe s

(Anonyme, Mise au tombeau, XVIe s.)

 

Les vitraux sont assez nombreux et les plus intéressants me semblent ceux du XVIIe s., qui présentent des éléments assez pittoresques. Dans la scène de la visite des anges à Abraham, on est saisi par le réalisme de la représentation du boucher qui dépèce son veau.

Vitrail, détail

(Vitrail : la visite des trois anges à Abraham, détail, début XVIIe s.) 

 

Mais on est encore plus surpris de voir que le vitrailliste a jugé bon de rajouter, dans un souci du détail piquant, un chien qui se régale à laper le sang qui se déverse dans un baquet.

Vitrail, détail (4)

(Vitrail : la visite des trois anges à Abraham, détail, début XVIIe s.) 

 

Autre détail qui fait fortement réfléchir certaines personnes : sur un des vitraux est représentée une belle arche de Noé, avec un mouton, un taureaux, un cheval, un chameau, un lion mais aussi... une licorne! (et une bestiole bizarre avec des points bleus, encore non identifiée). La question étant : si Noé n'avait pas oublié les licornes, que s'est-il passé depuis? 

Vitrail, arche de Noé (2)

(Vitrail : L'arche de Noé, début XVIIe s.)

 

On passe ensuite par la chapelle près de laquelle furent enterrés, comme le rappelle des plaques, les corps de Blaise Pascal et Jean Racine. Un bien beau repaire de jansénistes ma foi...

 

Nous finissons notre périple du jour par cette bonne vieille Sorbonne que j'ai fréquenté pas mal (mais jamais assez à mon goût). Bien que je connaisse un peu les lieux (en grande rénovation en ce moment), je n'avais jamais pu voir ce que nous vîmes aujourd'hui. En l'occurence, tous les grands salons de réception et de glorioles pour les diverses sommités du lieu sont accessibles. C'est un endroit assez grandiose, très XIXe s., et où le souvenir de Richelieu est pour le moins omniprésent (et où celà nous donne l'occasion de retrouver notre ami Champaigne, déjà largement évoqué plus haut).

Sorbonne, portrait de Richelieu

(Philippe de Champaigne, Portrait de Richelieu, Salon Richelieu, Sorbonne)

 

Mais pour moi, la Sorbonne, dont 90% de la structure actuelle date du XIXe s (et est due à Henri-Paul Nenot, lui aussi déjà évoqué plus haut *), est un monument qui vaut en soit la visite essentiellement pour ses peintures murales, magnifiques témoignage du goût de l'allégorie et de l'histoire si présent à cette époque de rationalisme et de volonté de progresser dans le savoir et les humanités. Je me souviendrais longtemps je crois de mes séminaires obligatoires du vendredi soir, qui se déroulaient dans l'amphithéâtre Guizot, où se trouvait, au-dessus de l'estrade, un grand tableau allégorique qui nous montrait une femme ôtant son voile blanc devant un barbu, le tout au milieu de ruines antiques, intitulé si ma mémoire est bonne : "La Grèce se dévoilant aux archéologues". Un petit bijou, fascinant, révélateur de toute une époque de découvertes concentrée dans la force d'un seul tableau. Et surtout quelque chose de distrayant lors de séminaires particulièrement peu intéressants.

* à toi de retrouver où, petit lecteur attentif !

 

Dans les salons habituellement invisibles au commun des étudiants, on ne peut pas dire que ce soit mal non plus, avec des références affichées plutôt prestigieuses; ici dans une allégorie que je présume être celle de l'éloquence, on retrouve les noms de Démosthène, Cicéron, Bossuet et Mirabeau, tandis que sa voisine, qui symbolise peut-être l'Histoire, se réfère à Hérodote, Tacite et Montesquieu. 

Fresque allégorique

(Je ne connais pas le le titre ni l'auteur de cette peinture, si un de mes rares lecteurs le connait, qu'il n'hésite pas à me le faire savoir)

 

Ces salons débouchent sur l'escalier d'honneur, qui n'est pas en reste niveau peinture édifiante. Une série de neuf tableaux signés Théobald Chartran orne la galerie qui surplombe cet escalier. Elle évoque l'histoire des sciences au travers de grands épisodes et personnages, tous français quand même, parce que bon, faut pas exagérer. On peut ainsi admirer Cuvier qui travaille sur ses fossiles, Buffon qui lit son traité d'histoire naturelle, Lavoisier qui fait une expérience ou Ambroise Paré qui rafistole un pauvre soldat esquinté.

Ambroise Paré au siège de Metz

(Théobald Chartran, Ambroise Paré au siège de Metz pratique la ligature des artère sur un arquebusier blessé - 1553, 1886-1889)

 

 Dans la salle des Autorités, ce sont des tableaux plus récents, du début du siècle, qui sont présents, avec plusieurs oeuvres de Clémentine-Hélène Dufau, seule femme qui a participé à la décoration de la Sorbonne. Ses tableaux, dans un style un peu naïf, font face à ceux, impressionnistes, d'Ernest Laurent. 

La zoologie

(Clémentine-Hélène Dufau, La zoologie, début XXe s.)

 

Nous repassons par la cour d'honneur de la Sorbonne, pour visiter la chapelle qui sort à peine de plusieurs années de travaux. La chapelle est à peu près tout ce qui a été conservé de l'ancienne Sorbonne. Et quand on dit ancienne, pas la Sorbonne médiévale, mais celle du XVIIe s., puisque le lieu, construit par Lemercier, a été voulu par Richelieu et abrite son tombeau. En fait de chapelle, il faudrait plutôt parler du mausolée de Richelieu. Bref, d'extérieur, le bâtiment a retrouvé sa splendeur, ce qui n'est pas encore le cas de l'intérieur dans lequel les travaux commencent à peine. L'ensemble est un autre exemple de l'art classique français.

Chapelle de la Sorbonne (4)

(Façade de la chapelle de la Sorbonne, 1626)

 

L'intérieur est assez vide et franchement de peu d'intérêt si l'on excepte le superbe tombeau de Son Eminence, où celui-ci est soutenu par la Foi et regretté par la Science, pas moins. Cette sorte de semi-gisant, oeuvre du grand Girardon, a survécu miraculeusement dit-on aux saccages de la Révolution par l'intervention physique d' Alexandre Lenoir lui-même, l'un des rares qui avait compris qu'on pouvait défendre la valeur artistique d'une oeuvre sans défendre son sujet ou son auteur, et que protéger le tombeau de Richelieu n'était pas défendre la mémoire du Cardinal-Duc. Seul le grand nez du cardinal aurait été brisé par un coup de hache (et restauré depuis).

Tombeau de Richelieu (4)

 

 

Voilà pour nos journées du patrimoine 2011. En somme, nous n'avons pas vraiment profité de ce que nous avions prévu mais nous avons découvert ou redécouvert ce que nous n'avions pas spécialement programmé de voir. Au final, cela nous a fait du bien de faire une balade un peu touristique au sein de notre propre ville. On repart très vite hors des frontières du périph' pour le prochain article.

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