Retour en Slovaquie

La Slovaquie est un joli pays, pas très connu, où nous avons passé trois jours en 2009 lors de notre voyage en Autriche. Nous n'avions fait qu'effleurer le pays en ne visitant rapidement que Bratislava, Devin, Nitra et Trnava dans l'ouest du pays. Il nous a donc été plutôt plaisant d'aller voir, au musée de Cluny, une petite (comme toujours dans ce musée) exposition consacrée à l'art en Slovaquie à la fin du Moyen Âge.

Qui plus est, cela nous a permet, à un an et demi d'intervalle, de compléter modestement notre voyage, car la plupart des oeuvres présentées proviennent de la Galerie nationale slovaque (et quelques unes ont été prêtées par les édifices religieux où elles sont conservées), que nous n'avions pas pu visiter lors de notre passage à Bratislava!

(Relief de la Nativité de Hlohovec, Vienne et Bratislava, vers 1480-1490, Galerie nationale Slovaque, Bratislava)

L'exposition présente quatre sections assez imbriquées: sculpture, peinture, orfévrerie et enluminure. La Slovaquie est à l'époque la partie nord du royaume de Hongrie et connaît, avec la menace turque sur le sud de la Hongrie, une prospérité liée à sa position stratégique de zone de repli. C'est à cette époque que se développent la plupart des villes slovaques, à commencer par Presbourg (aujourd'hui Bratislava). Les autres villes évoquées dans l'exposition se situent essentiellement dans le centre et dans l'est du pays. Par leurs positions géographiques et commerciales, ces villes, à l'image du pays, subissent des influences germaniques, hongroises, polonaises.

L'essentiel de la production présentée dans l'expo possède tout de même, malgré quelques particularités, un fort accent germanique. La partie la plus impressionnante et la plus originale de l'exposition se situe au début, avec l'évocation de l'art des retables. Bien qu'il n'ait pas pu être déplacé pour l'occasion, celui de Levoca, oeuvre du fameux maître Paul (ou Pavel) est le plus grand du monde, avec une hauteur de 18 m. En vérité, nous avons demandé au gardien, la pourtant haute salle voûtée des thermes de Cluny où se trouve l'expo n'aurait pu l'accueillir, celle-ci ne faisant "que" 15 mètres de hauteur! Nous nous consolons avec quelques très belles pièces (et nous promettons quand même de retourner un jour approfondir ce petit pays qui cache quelques trésors).

(Ibid., détail)

Une petite section aborde l'oeuvre de Maître Paul de Levoca, incontestablement un très grand artiste dont le talent s'exprime particulièrement dans ce Christ en croix au traitement très naturaliste en ce qui concerne le corps, et presque théâtral pour le drapé. La polychromie, en excellent état, est également surprenante, avec un accent particulier mis sur le tracé des veines des jambes. Une très belle pièce en tout cas, qui nous amène à nous demander la raison pour laquelle cet artiste très doué est demeuré dans les villes de la province slovaque sans, a priori, avoir été appelé à travailler à Presbourg, Vienne, Budapest ou Cracovie.

(Maître Paul de Levoca, Christ en croix, vers 1510-1520, Eglise catholique de Kezmarok. La photo ne rend pas hommage à la beauté de l'oeuvre)

La peinture est souvent intéressante mais paraît tout de même moins fortement originale, s'inspirant très largement de modèles germaniques comme Dürer ou Schongauer avec une légère influence italienne par moments. Nous avons également constaté une utilisation presque systématique d'un curieux fond doré indiqué comme "brocart" sur les cartels, mais dont l'aspect faisait plutôt penser à du cuir estampé et doré.

(Maître d'Okolicné, Sainte Parenté, après 1510, Musée national, Ljubjana)

La petite partie sur l'orfévrerie ne comporte que très peu de pièces, mais la plupart sont exceptionnelles. Le point commun des différents objets semble résider dans la grande maîtrise de l'or filigrané et dans l'abondance décorative des oeuvres. La débauche d'or et d'argent que l'on rencontre est due à la présence en Slovaquie de deux centres miniers très importants: Banska Bystrica et Banska Stiavnica (aujourd'hui classé au patrimoine de l'UNESCO). Le plus impressionnant des objets présentés est sans doute l'ostensoir de Spisska Nova Ves, en argent et en argent doré, de plus d'un mètre de haut.

(Ostensoir, Spis, vers 1510-1520, Trésor de l'église Notre-Dame, Spisska Nova Ves)

La dernière partie présente des manuscrits enluminés qui montrent l'importance majeure de Presbourg dans ce domaine dès le XIVe s., importance encore accentuée avec la création de l'Université Istropolitaine par le roi Matthias Corvin en 1465. Hélas, la faible lumière nécessaire à la conservation des documents ne m'a pas permis de faire de belles photos. Alors je vous en offre une autre histoire de me faire pardonner, allez, c'est cadeau!

(Calice orné de lézards, Europe centrale, fin du XVe s., Trésor de la cathédrale, Bratislava)

En somme, une belle petite exposition qui complète assez idéalement la découverte du pays et qui donne envie d'y retourner voir un peu plus en profondeur, arpenter notamment Spis, Levoca ou Kosice... A suivre, un de ces jours...