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Nouvelle Feuille
30 novembre 2011

Go Est : Sivas et Divriği

 Après notre balade à Yazılıkaya, nous resdescendons au centre de Boğazkale pour trouver un taxi, théoriquement plus ou moins réservé par notre hôtel. Avant, nous avons envie d'acheter un petit truc à manger pour le long trajet qui nous attend. Cela tombe bien, un petit marché paysan se tient tout près. Il s'agit vraiment d'un marché ultra-local, où les paysans du coin vendent leurs fruits et légumes savoureux, la plupart du temps en gros. Nous choisissons un étal qui propose de très belles tomates. Nous expliquons tant bien que mal que nous en voulons deux et voilà le brave homme qui se met à nous en remplir des quantités... Il croyait que nous en voulions deux kilos! Lui expliquant l'erreur, il nous en donne deux et refuse qu'on les paye!!! Du jamais vu encore dans ce pays où l'on cherche si fréquemment à vous escroquer un petit peu. Nous nous confondons en remerciements puis trouvons le taxi qui nous attend. Il nous emmène à toute vitesse sur les routes défoncées qui se dirigent vers Yozgat, la ville au sud de Boğazkale, où nous pouvons trouver un bus pour notre prochaine étape : Sivas.

 

Au cours des trois heures de bus, perdant nos complexes de non-musulmans gênés de manger pendant le ramadan, nous mangeons (comme plusieurs autres personnes dans le bus d'ailleurs). Nos tomates sont succulentes et à la réflexion, nous aurions peut-être dû en prendre plus de deux...

 

Finalement, après trois heures de voyage, nous débarquons à Sivas, une grande ville qui commande l'entrée dans le grand Est de la Turquie. Le soleil décline déjà quand nous débarquons dans cette ville où tout est à faire pour nous : nous repérer en général, repérer la gare de train en particulier en vue du voyage du lendemain, trouver un hôtel, etc...  

Médersa aux deux minarets (3)

(Médersa au deux minarets, 1271-1272, Sivas) 

 

Trouver un hôtel fut un vrai parcours du combattant. L'hôtel indiqué dans le guide Michelin n'est plus un hôtel, un autre est en travaux... nous nous rabattons sur l'hôtel le plus cher de la ville, un grand truc international qui se la joue palace avec loufiats, mais en moins classe. Seul avantage : il est bien placé. Nous regrettons amèrement l'amabilité de l'hôtel d'Istanbul et le charme de celui d'Ankara... Nous repérons la gare et achetons nos billets de train pour le lendemain. Le prix du trajet nous choque vraiment : c'est incroyablement peu cher! De l'ordre de 4 ou 5 euros pour deux et pour un trajet de trois heures!

La fin de soirée est assez agréable. Nous arpentons un peu la ville, d'assez peu d'intérêt dans son ensemble, si l'on excepte les superbes médersas du centre et quelques autres monuments plus éparpillés. Ce sera pourtant, vous le verrez, l'une des villes où nous passerons des moments parmi les plus agréables. Nous allons nous balader notamment vers la médersa bleue (Gök Medrese), en travaux, dans laquelle ma petite souris s'insinue hors de vue du gardien, tandis que je reste à guetter. Mais je parlerai de la ville plus en détail en fin d'article.

Revenus au centre de la ville, nous attendons que les muezzins se mettent à hurler la rupture du jeûne.

Fruko Gazoz

(Fruko, sorte de limonade locale)

 

Le Ramadan est ici aussi une très grande fête. Pour la rupture de jeûne, la municipalité distribue sous un grand chapiteau et pour un prix très modique, des plateaux-repas. A la tombée de la nuit, il y a également, sur une grande scène dressée au milieu de la place centrale de la ville, une sorte de mini-festival des arts traditionnels. Vu l'âge des participants, je pense qu'il doit s'agir de représentations données par les différentes associations de jeunes et école des environs. Le cadre est magnifique et surtout, la médersa juste à côté est devenu une sorte d'espace vaguement marchand avec un çay bahçesi (litt. jardin de thé), où l'on ne sert vraiment que du thé. Le serveur charge son grand plateau en argent d'une quantité improbable de ces petits verres de thé en forme de tulipe, et les distribuent à tous ceux qui en veulent. Puis un autre passe, note le nombre de thé sur une petite feuille et la met à votre table. Quand vous avez fini, après y être resté le temps que vous vouliez et avoir repris autant de thés que souhaité, vous amenez la note à la caisse et payez. A 1 TL le thé (50 centimes d'euro), ça vaut le coup, surtout quand on voit à Paris le café à 1.50 euros... Bref, c'était vraiment très cool.

Scène et Bürüciye Medresesi

(Scène du festival, en arrière-plan : Bürüciye Medresesi)

 

Les différents spectacles présentés sont tous des manifestations culturelles typiques à la Turquie. Pendant un certain temps, il y a juste quelques musiciens. Puis le spectacle commence avec la troupe de derviches tourneurs. Une demi-douzaine de jeunes garçons (à la louche entre 10 et 17 ans), habillés de noir, avec un grand chapeau en feutre, arrivent et commencent à tourner en une sorte de ronde, sous le regard de deux adultes, sans doute leurs maîtres.

Derviches tourneurs (7)

(Derviches tourneurs)

 

Les derviches tourneurs pratiquent une forme très particulière et spectaculaire de mystique soufie, dans laquelle le rapport privilégié avec Dieu arrive au bout de plusieurs heures de pratique d'une danse assez codifiée qui mène à une sorte de transe. Cette forme, parfois très adaptée pour les touristes, est spécifique à la Turquie et bénéficie d'un classement au patrimoine mondial immatériel de l'humanité. Il faut être honnête qu'en l'occurence, si le spectacle proposé à Sivas était celui de jeunes encore peu expérimentés et durait assez peu de temps (de l'ordre d'une demi-heure), il était réellement surprenant et méritait le coup d'oeil. Et surtout, il avait l'avantage de ne pas être un truc de commande bien cher pour amuser les touristes comme à Istanbul, vu que nous devions être a priori les deux seuls touristes dans cette ville (du moins les deux seuls non-Turcs).

Derviches tourneurs (18)

(Derviches tourneurs)

 

Nous assistons ensuite à une représentation de karagöz, ce théâtre de marionnettes d'ombre traditionnel, qui narre les aventures et les bons mots des fameux Karagöz et Hacivat déjà évoqués à Istanbul (4e image en partant de la fin) et Bursa (5e image). C'est très amusant même si on comprend pas tout, très bavard, ça a l'air de toujours faire rire. Hélas, ça rend très mal à la photographie, on ne voit que la tache lumineuse de l'écran mais pas les marionnettes qui s'y agitent. C'est également un art classé au patrimoine immatériel par l'UNESCO, comme à peu près tous les théâtres de marionnettes (sauf le Guignol...).

Karagöz (2)

(Karagöz)

 

Puis c'est le tour d'un conteur habillé en Nasreddin Hodja, ce sympathique personnage turc plein de bon sens et de petites blagounettes astucieuses. Franchement, même avec des efforts, c'était absolument incompréhensible, trop rapide pour nous. 

Histoires de Nasreddine Hodja (4)

(Nasreddin Hodja)

 

Enfin est venu une sorte de pièces humoristique en costumes, avec trois jeunes acteurs incarnant tous les personnages. Nous n'avons pas non plus tout compris et cela a duré assez longtemps et continuait encore quand nous partîmes rejoindre notre hôtel, devant nous lever vraiment très tôt le lendemain. 

Théâtre humoristique (3)

(Pièce de théâtre)

 


 

Le lendemain, nous avons prévu de faire l'aller-retour vers Divriği, une petite ville assez isolée. Le train que nous devons prendre est celui qui traverse toute la Turquie d'Istanbul à Kars (frontière arménienne) en quelque chose comme 40 heures. Il passe à Sivas à 5h58 du matin... Nous sommes donc, frais (très frais d'ailleurs en ce petit matin) et dispos, à la gare, en compagnie de rares courageux de notre trempe, uniquement des Turcs. Le train finira par arriver... une bonne heure et demi plus tard.... Le train n'est pas cher, mais pas tellement ponctuel a priori.

 Nous traversons, en compagnie de plein de Turcs et d'un couple de belges (flamands) qui a embarqué à Istanbul et va jusqu'au bout du pays! Il faut un certain courage surtout dans un train dont les toilettes sont à la turque... Les paysages sont magnifiques et par endroit très impressionnants. Nous arrivons finalement à notre destination, une terre assez sèche entourée de sommets plutôt désolés. La gare est isolée à quelques centaines de mètres de la ville.

Arrivée à Divrigi

(En arrivant à Divriği)

 

La petite ville d'environ dix mille habitants est dominée par une forteresse du XIIIe s. plantée sur la montagne. Vu la chaleur et le temps assez limité dont nous disposons, nous renonçons à y monter avant même d'avoir envisagé de le faire. 

Forteresse en ruines (2)

(Ruines de la forteresse)

 

En arrivant dans la ville, nous constatons qu'il s'y trouve pas mal de petits türbe seldjoukides joliment décorés. 

Türbe de Shahin Shah (3)

(Türbe de Shahin Shah, 1194-1196)

 

Mais surtout, et c'est cela que nous sommes venus voir, cette modeste citée péniblement accessible, située sur des routes médiocres, bénéficie d'un classement comme patrimoine mondial par l'UNESCO. Pourquoi? Pour ça : la Ulu Cami et l'hôpital, un joyau unique d'art seldjoukide. La mosquée a été édifiée en 1228 sur ordre d'Ahmet Shah, un vassal des seldjoukides, tandis que sa femme Turan Malik faisait édifier l'hôpital attenant. L'ensemble est exceptionnel dans l'art seldjoukide par son architecture et par sa décoration.

Grande Mosquée et Hôpital 

(Ulu Cami (Grande Mosquée) et Hôpital, 1228-1229)

 

Les deux bâtiments sont jointifs et arborent d'incroyables portails sculptés. Mais parlons pour l'instant de l'intérieur de la mosquée, chaque lieu bénéficiant d'une entrée distincte. La salle de prière est beaucoup moins richement décorée que l'extérieur et se singularise surtout par son architecture de voûtes toutes différentes, produit de la virtuosité des ouvriers et architectes arméniens du XIIIe s. habitués à bâtir des églises et qui utilisent ici les mêmes techniques et le même vocabulaire décoratif, adaptées aux exigences de l'Islam. Il est vrai que, ne serait-ce l'absence de statues et d'un bénitier, on pourrait tout à fait se croire dans une église.

Intérieur de la mosquée (2)

(Intérieur de la mosquée)

 

L'un des éléments qui, semble-t-il, rappelle le plus les église arméniennes (si j'en crois les guides, car je ne connais pas l'Arménie), c'est cet ancien puits de lumière qui servait d'éclairage principal à l'édifice.

Coupole avec ancien puits de lumière 

(Coupole en bois sur puits de lumière)

 

 

Le minbar de 1218, en bois sculpté, a été réalisé par un artisan de Tbilissi (Géorgie). Il est dans un état remarquable de conservation et très habilement ouvragé. 

Minbar

(Minbar, 1218)

 

On ne peut pas dire que le lieu est envahi de touristes, malgré la saison et le classement UNESCO. Il y a quelques autres personnes qui passent plus ou moins furtivement, mais guère plus. Le gardien du coin nous indique que l'essentiel des visiteurs individuels est composé de Français et d'Italiens, et d'un peu de Japonais en groupes. Ce qui confirme notre impression générale que plus un coin touristique est reculé, plus les rares visiteurs qu'on y trouve on des chances d'être français.

Nous ressortons pour admirer à loisir le portail ouest de la mosquée. 

Portail ouest (2)

(Portail ouest de la mosquée)

 

Ce portail ouest est superbe et véritablement très richement orné, mais on peut en dire autant des autres portails. Sa décoration évoquerait, selon mon guide, celle des manuscrits arméniens du XIIIe s.

Portail ouest 

(Portail ouest)

 

Si l'aspect général semble assez habituel de l'art seldjoukide, on est néanmoins surpris par la niche à muqarnas trilobée. J'ignore si le lieu a bénéficié d'une restauration; c'est assez probable, mais on est pourtant surpris du peu de prise qu'a eu le temps sur l'ornementation, globalement peu usée et peu dégradée. L'isolement du lieu, loin des routes aussi bien commerciales que militaires ou touristiques y est sans doute pour quelque chose.

Détails

(Détail de l'ornementation de la niche du portail)

 

Sur le côté de ce portail se trouvent deux éléments décoratifs vraiment étonnants : deux aigles, l'un monocéphale et l'autre bicéphale.

Motif d'aigle bicéphale

(Aigle bicéphale, portail ouest)

 

Le portail de l'hôpital est lui aussi plutôt richement décoré, mais dans un autre style, moins traditionnellement seldjoukide. L'effet de profondeur avec ce double arc décoré qui aboutit sur une pierre de taille vierge d'ornementation, ce qui permet de mieux mettre en valeur la décoration centrale qui encadre la porte.

Portail de l'hôpital (3)

(Portail de l'hôpital)

 

Encore une fois, devant un tel portail, il est difficile de ne pas penser aux portails des églises, mais sans l'ornementation chrétienne. Il y a même une sorte de mini-trumeau qui sépare en deux la fenêtre.

Portail de l'hôpital (4)

(Portail de l'hôpital)

 

L'intérieur est là encore beaucoup plus austère et les rares éléments décoratifs sont beaucoup plus sobres. Tout peut se visiter, et c'est particulièrement intéressant malgré le peu d'explications présentes. Le rez-de-chaussée se compose d'une vaste salle avec au centre un bassin de bien curieuse forme. Une fenêtre communique avec la mosquée et permettait sans doute aux malades de suivre les services religieux sans se mêler au reste des croyants.

Salle principale de l'hôpital

(Salle principale de l'hôpital)

 

Quelques tombes sont présentes dans un coin et un escalier étroit et peu praticable mène à l'étage supérieur organisé en une sorte de mezzanine donnant sur la salle principale. On peut y voir ce qui était les chambres des malades, dont on espère, vu la difficulté pour monter, qu'ils n'étaient pas trop mal en point.

Salle principale vue depuis la galerie

(Salle principale vue depuis la galerie supérieure)

 

La galerie supérieure est d'une sobriété absolue, sans aucune décoration, spartiate. Elle offre, à travers des fenêtres grillagées, de très belles vues sur les environs. 

Vue sur Divrigi depuis l'hôpital

(Divriği vu depuis la galerie supérieure)

 

Ressortis, nous faisons le tour du bâtiment pour admirer les deux autres portails de la mosquée qui s'ouvrent au nord et à l'est. Le portail nord, le plus extravagant, était autrefois l'entrée principale de la mosquée. 

Portail nord

(Portail nord)

 

Surchargé de motifs géométriques et floraux, ce portail superbe arbore quelques élements végétaux sculptés de telle façon qu'ils semblent pour ainsi dire se détacher de la façade. 

Portail nord, détails

(Détails du portail nord) 

 

A plusieurs endroits, on distingue des variations de couleurs, sans qu'il soit vraiment simple de déterminer s'il s'agit d'anciennes traces de polychromie ou simplement d'un effet obtenu par la nuance des teintes naturelles de la pierre. J'ai tendance à pencher pour la deuxième solution. 

Détail des motifs végétaux

(Motif moitié ocre - moitié rose)

 

Espérant pouvoir reprendre le seul train de la journée dans le sens Kars-Istanbul, qui part de la ville à 13h00, pour être de retour à Sivas autour de 16h30, nous nous dépêchons de redescendre vers la gare. S'il était possible, nous préférerions éviter de perdre du temps à chercher une gare de bus aux horaires inconnus et dont le trajet durerait plus longtemps que le train... Cela ne nous empêche pas de jeter un oeil à une discrète petite mosquée dotée d'un très curieux minaret en bois.

Petite mosquée au minaret en bois

(Petite mosquée au minaret en bois)

 

Nous marchons donc sous la chaleur vers la gare. Nous sommes très justes au niveau du temps, mais vu la bonne heure et demi de retard du train aller, nous ne craignons pas vraiment de le louper. Mais bien entendu, comme nous sommes malchanceux, le seul train à l'heure de l'année est celui-ci et il part sous nos yeux, pile à l'heure, alors que nous sommes à moins de deux minutes de marche. Malgré notre course, nous le ratons et là, il faut bien avouer que nous posons les sacs et qu'une légère envie de pleurer s'empare de nous. Mais, comme finalement nous sommes chanceux, moins de trente secondes après, un coup de klaxon nous fait sursauter. Un homme a arrêté sa voiture et immédiatement, je comprends. Nous montons dans la voiture et nous démarrons à toute vitesse. Le pari est gagné : le train s'arrête ensuite dans une gare vaguement industrielle à quelques kilomètres de là et notre génial şoför (chauffeur) nous y amène avant que le train n'y soit parvenu. La preuve est faite que dans ce pays, la solidarité n'est pas un vain mot et que l'étranger est toujours centre d'intérêt. Et ici, de bienveillance.

Après moults remerciements, nous grimpons au terme de cette aventure incroyable dans le train où nous achetons notre billet. Nous racontons notre histoire, notre parcours et discutons un peu avec les contrôleurs, également particulièrement sympathiques. Nous avons payé notre billet encore moins cher qu'à l'aller.

Finalement, malgré le côté pénible du train, nous aurions été déçus de n'être pas venu dans cette ville, ça méritait le détour au niveau culturel comme au niveau humain. Cette partie de la Turquie est beaucoup moins fréquentée par les touristes, mais elle ne manque pas d'intérêt ni de surprise!

Anatolie (4)

(Anatolie, quelque part entre Divriği et Sivas)

 

Les paysages que nous admirons depuis le train sont les mêmes que ce matin, mais on ne lasse pas de ces terres sèches, caillouteuses, de ces gorges montagneuses, de ces arbres rares, de cette steppe presque lunaire par endroits, où émergent parfois des sortes de pitons acérés. 

Anatolie (5)

(Belle surimpression du croissant et de l'étoile turc de la vitre du train sur le paysage)

 

Cela mérite bien encore une photo supplémentaire, allez, c'est cadeau:  

Anatolie (11)

(Anatolie, non loin de la petite ville de Kangal)

 


 

Revenus à Sivas, nous ne perdons pas vraiment notre temps et décidons de compléter, tant qu'il fait encore jour, la visite de la ville commencée la veille et pas franchement idéale vu la lumière qui déclinait rapidement. Nous commençons par ce qui est le plus éloigné du centre-ville et de notre hôtel, à savoir la Médersa Bleue (Gök Medrese), celle en travaux depuis plus de dix ans, où nous avions pénétré en douce la veille. Elle est beaucoup plus belle de jour, il faut bien l'avouer. 

Médersa aux deux minarets (15) 

(Gök Medrese, 1271)

 

Cette médersa très ornée et assez monumental illustre l'évolution connue par ces écoles coraniques sous les sultans seldjoukides. 

Médersa aux deux minarets (10)

(Gök Medrese)

 

Alternance de pierre blanche et bleutée, briques émaillées turquoise, décoration typiquement seldjoukide, tout concourt à faire de la façade de la médersa un ensemble très harmonieux et qui rappelle, par certains points, la médersa aux deux minarets qui se trouve également à Sivas et dont j'ai rapidement parlé plus haut. Les deux bâtiments sont d'ailleurs exactement contemporains, voulus par le même gouverneur agissant pour le pouvoir des Mongols Ilkhanides qui s'étaient rendus maîtres de la région, sans toutefois empêcher l'épanouissement de l'art seldjoukide.

Médersa aux deux minarets (14)

(Gök Medrese, détails)

 

En remontant vers la grande place centrale de la ville, nous croisons le chemin de la Ulu Cami et son minaret de brique un rien penché.

Ulu Cami (2)

(Minaret de la Ulu Cami, XIIIe s.)

 

On s'aperçoit encore mieux de très forte inclinaison quand on se rapproche de la base octogonale.

Ulu Cami (3)

(Minaret de la Ulu Cami)

 

A l'extérieur, cette mosquée a franchement une allure peu glorieuse de grande bâtisse assez basse, comme une sorte d'entrepôt. L'intérieur de ce qui est le plus ancien monument de la ville frappe essentiellement par son aspect de vaste halle envahie de piliers soutenant nombre d'arcs brisés.

Ulu Cami (6)

(Ulu Cami, 1197)

 

 

Nous rejoignons donc la fameuse place principale, nommée en fait Selçuklu Park (parc seldjoukide, ou quelque chose de ce genre). Nous détaillons tout d'abord un peu la Bürüciye Medresesi, la médersa devenue à la fois centre d'accueil de l'office du tourisme et salon de thé.

Bürüciye Medresesi

(Bürüciye Medresesi, 1271) 

 

Le portail présente tous les éléments classiques de l'art seldjoukide, avec des parties en relief celles de la mosquée de Divriği. Une fois passé le portail, on accède à la cour intérieure où s'est installé le salon de thé. Le fond de la cour est dominé par un iwan plus élevé que les autre corps de bâtiments.

Bürüciye Medresesi (4) 

(Cour de la Bürüciye Medresesi)

 

 

Nous finissons, à deux pas de là, par le monument que je trouve le plus fascinant de la ville : cette superbe médersa aux deux minarets, dont il ne reste rien si ce n'est justement le portail et les deux imposants minarets. On peut sans problème déambuler à son pied. 

Médersa aux deux minarets (9)

(Médersa aux deux minarets, 1271-1272)

 

Ces minarets sont un superbe exemple de l'art de la brique glaçurée, et à leur base, on découvre avec stupéfaction le premier pacman de l'histoire! 

Le premier pacman (2)

(Base des minarets)

 

Au-delà de ces fameux minarets, les restes de la médersa sont remarquables par le portail auquel on accède soit par une petite rue transversale, soit tout simplement en passant la porte.

Portail de la médersa

(Portail de la médersa aux deux minarets)

 

Le portail emploie bien entendu tout le vocabulaire commun à ce type de réalisations seldjoukides largement évoquées dans ce billet. Mais ces muqarnas, colonettes et entrelacs sont également reproduits pour la moindre fenêtre de la façade.

Fenêtre 

(Fenêtres)

 

Juste en face, de l'autre côté de la ruelle, se trouve une autre médersa, la Şifaiye Medresesi, hélas en travaux et totalement inaccessible. Nous restons dans les environs de cette vaste place, décidés à passer la soirée un peu de la même façon que la veille : achat de victuailles dans une supérette, attente de la rupture du jeûne, repas, thé dans la médersa, et spectacle. Mais en attendant, nous essayons de trouver un kilim à acheter. Nous le trouvons, avec joie et pour un prix tout à fait abordable. Hélas, mille fois hélas, peu habitués aux touristes, les marchands ne livrent pas et encore moins à l'étranger. A grand regret, nous renonçons à notre achat.  Nous déambulons encore un peu et rencontrons deux jeunes filles, sans doute étudiantes, qui souhaitent nous inviter à manger le repas de rupture de jeûne avec elles pour discuter un peu. Nous promettons de les retrouver un peu plus tard si cela est possible. Nous ne les retrouverons hélas pas.

Cheval-poubelle (2)

(Cheval-poubelle)

 

Ceci dit, les gens d'ici doivent voir vraiment peu de touristes car la xénophilie est très présente. En  effet, plus tard, alors que nous attendons le chant du muezzin, un jeune couple avec un bébé nous invite pareillement. Nous refusons également, un peu gênés.

 

Mais ce n'est que partie remise, car un peu plus tard, attablés devant notre thé, on nous tape soudain sur l'épaule. C'est la jeune femme, qui souhaite nous offrir une tasse calligraphiée à nos prénoms. Nous refusons, mais elle insiste. Nous finissons par accepter (au final, la calligraphie foutra le camp dès le premier lavage, mais enfin, c'est l'intention qui compte). Ils s'attablent alors avec nous et commencent à discuter, à raconter leur vie, à nous questionner. Elle a fait des études, mais finalement a choisi de se marier et de devenir femme au foyer. Leur petit est assez mignon. Ils sont particulièrement amicaux et désireux d'échanger malgré les problèmes de langue (ils ne parlent pas français et très très peu anglais, tout se fait en turc). Ils souhaitent même nous inviter chez eux pour dormir, mais nous devons refuser, nous avons déjà un hôtel. Ceci dit, je pense qu'Antoine de Maximy devrait essayer d'aller dormir chez les gens ici, il n'aurait aucune difficulté!

Finalement, nous ne verrons pas les spectacles, mais nous aurons passé une soirée excellente et tout à fait inattendue. La soirée s'étire fort tard et nous ne savons comment prendre congé de nos nouveaux amis, qui ont même rameuté le père de l'homme, qui a travaillé quelques années en France du côté de Mulhouse et qui parle un petit peu français (vraiment très peu et avec un fort accent). Malgré mes efforts, ils nous payent même les nombreux thés bus et nous offrent de délicieuses douceurs en sucre filé appelées pişmaniye (que nous n'avons pas su retrouver en France. Si vous avez des adresses...).

 

Nous retournons à l'hôtel étonnés et heureux. Nous aurons passé ce jour-là une de nos plus belles soirées en Turquie, qui nous laissera longtemps un très agréable souvenir.

 

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