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Nouvelle Feuille
5 décembre 2011

Vieilles villes ottomanes : Tokat et Amasya

 Nous quittons Sivas la tête encore pleine des rencontres et des découvertes des deux jours précédents. Nous nous rendons d'abord assez rapidement à Tokat, une ville assez importante qui se trouve entre Sivas et notre prochaine étape Amasya.

Tokat est une vieille ville ottomane, avec un patrimoine de konaks assez jolis, pas tous dans état exemplaire de conservation. Ce ne sera pas la ville la plus exceptionnelle de notre voyage loin de là, mais elle présente pas mal de petites choses intéressantes qui nous ont occupé quelques heures avant de repartir.

 

La ville ancienne et les principaux points d'intérêt le long d'une grande avenue, la GOP ou Gazi Osman Paşa Bulvarı et dans les rues proches. Nous décidons donc de descendre cette rue depuis l'otogar jusqu'à la tour de l'horloge de la ville. 

Tour de l'horloge

(Saat kulesi (tour de l'horloge), Tokat)

 

La ville vaut le coup d'oeil pour ses beaux konaks. Dans le quartier sud autour de la tour de l'horloge, ils sont plutôt cossus et bien entretenus. L'un d'eux est même devenu un musée reconstituant les pièces et la vie dans les maisons ottomanes du XIXe s. Hélas, le lieu est fermé entre midi, et nous n'avons pas franchement le temps de poireauter une demi-heure dans le café attenant. 

Latifoglu Konagi (2)

(Latifoğlu Konağı, XIXe s.)

 

Cette région de Turquie est très montagneuse et la plupart des villes où nous passons offrent un paysage de vallée encaissée dominée par des montagnes particulièrement peu verdoyantes. Souvent, une forteresse ancienne passablement ruinée domine ce paysage impressionnant. 

Citadelle (2)

(Citadelle, Tokat)

 

Remontant le GOP Bulvarı, nous nous attardons un peu à la mosquée Ali Paşa, une jolie mosquée ottomane du XVIe s., assez classique. 

Ali Pasa Camii (6)

(Ali Paşa Camii, 1572)

 

La mosquée forme un ensemble très agréable avec le türbe du fondateur et le hammam qui porte également ce nom.  

Hammam Ali Pasa (5)

(Ali Paşa Hamamı)

 

 Mais surtout, Tokat est une ville réputée pour ses indiennes, des soieries imprimées au moyen de tampons en bois. Nous pénétrons donc dans un des han de la ville, histoire de se faire une idée par nous-mêmes.  Et effectivement, si comme la plupart du temps le rez-de-chaussée est occupé par un café, l'étage est rempli exclusivement de boutiques d'indiennes. Le lieu est assez peu fréquenté et semble baigner dans une douce torpeur.

Tas Hani, boutiques d'indiennes

(Taş Hanı, 1631)

 

Sur place, dans une des boutiques, nous détaillons un peu les indiennes, sans nous faire emmerder par les vendeuses. Nous allons vers elles et demandons quelques explications, données de très bonne grâce. On nous montre la façon dont les tampons sont appliqués sur les soieries et même un tampon en cours de fabrication. Les indiennes ne sont pas réalisées ici mais dans un autre han de la ville. Ici, dans ce très beau caravansérail restauré, c'est un peu la vitrine, ce serait le lieu "à touristes" s'il y avait le moindre touriste.

Découpe du tampon de bois 

(Tampon en cours de fabrication)

 

Finalement, nous arrêtons notre choix sur une indienne blanche avec un motif de karagöz. Le motif n'est pas très fréquent dans la production du coin, on trouve plus de motifs floraux ou de ce petit cerf aux très grand bois qu'on trouve dans l'art de l'Anatolie ancienne (cf. article sur le musée d'Ankara).

Indienne et tampons

(Karagöz Karagöz! Hacivat Hacivat!)

 

Un peu plus loin, car rien n'est vraiment loin dans cette ville, se trouve l'ancienne Gök Mederse, devenue aujourd'hui le musée d'archéologie locale. Il s'agit d'un joli bâtiment de style seldjoukide bâti, comme à Sivas, pendant la domination mongole sur la région.  

Gök Medrese

(Gök Medrese, 1275)

 

Le musée nous semble d'un intérêt assez relatif et nous n'avons pas énormément de temps à consacrer à Tokat. Nous continuons notre chemin dans les quartiers proches qui s'étalent en pente douce sous le massif montagneux.

Vieux quartiers ottomans (2)

(Vieux quartiers de la ville)

 

Ces vieux quartiers ottomans sont assez abîmés et ce sont visiblement des quartiers populaires. Les maisons traditionnelles donnent à toute cette zone un grand charme malgré leur état parfois dégradé.  

Vieux quartiers ottomans (5)

(Piments séchant le long d'une façade)

 

Par moments, cette ville d'un peu plus de 100 000 habitants tout de même (l'équivalent d'une ville comme Metz ou Orléans) prend des airs franchement campagnards et rappelle ce qu'on aperçoit fréquemment au bord des routes et dans les petites villes. 

Marchand de pastèques et de balais

(Marchand de pastèques et de têtes de balais)

 

La Hatuniye Camii est une jolie petite mosquée ottomane bâtie par le sultan Beyazıt II pour sa mère. D'époque ottomane, elle utilise pourtant des éléments rappelant l'art seldjoukide, notamment dans son beau portail. 

Hatuniye Camii (3)

(Portail de la Hatuniye Camii, 1485)

 

On peut voir dans cette ville quelques anciennes hostelleries de derviches, plutôt bien restaurées. Celle-ci, la Halef Sultan Zaviyesi, est typique de l'art seldjoukide mais également construite à la période de la domination mongole. On est très gentiment accueilli dans ce qui est devenu aujourd'hui une sorte de petit centre culturel doté d'une bibliothèque. On peut y voir l'ancienne salle de prière et diverses salles voûtées qui servaient à l'accueil des derviches. 

Halef Sultan Türbesi (2)

(Halef Sultan Zaviyesi, 1292) 

 

Un certain nombre de petits türbe sont également disséminés dans la ville. Ce tombeau, toujours d'époque ilkhanide, est l'une des plus jolis, par son architecture inhabituelle et  fenêtres soulignées par une frise et des bandeaux sculptés.

Sentimur Türbesi

(Sentimur türbesi, 1314)

 

Pour finir la visite de Tokat, un petit mot sur le grand homme local qui a donné son nom à la grande artère de Tokat : Gazi Osman Paşa. Il s'agissait d'un général ottoman du XIXe s. qui s'est notamment battu contre l'empire russe avant de finir ministre de l'armée. Mais surtout, et admirez l'art de la transition, ce brave homme était né à Amasya, notre prochaine ville-étape...

Gazi Osman Pasa

(Gazi Osman Paşa (1832-1900))

 


 

Environ deux heures et deux cents kilomètres plus loin, nous arrivons à Amasya, ancienne capitale du royaume hellénistique du Pont et ancienne ville ottomane réputée pour son charme. Cernée de massifs montagneux, la ville est traversée par le fleuve Yeşilırmak (Rivière verte, fleuve Iris pour les Anciens).

Le long de la Yesilirmak 

 

La ville est assez étendue et nous galérons un tantinet pour trouver la vieille ville où n'avons pas réussi à réserver le moindre hôtel à distance sur le net. Il va donc falloir, comme à Sivas, ajouter au crapahutage un peu compliqué dans la ville, la difficulté de trouver à se loger dans une ville beaucoup fréquentée touristiquement que les précédentes. En conséquence, le nombre d'hôtels est également plus grand. Un peu perdus et ne sachant lequel choisir, nous allons vers l'un de ceux indiqués dans le guide Michelin, un ensemble de trois konaks transformé en pension. L'ensemble est très agréable et sympathique, d'un prix assez abordable, mais mon guide avait raison de préciser "réservez en saison", car il ne reste plus pour le soir-même qu'une seule chambre, la plus petite. Cela nous convient néanmoins parfaitement et la chambre est charmante même si elle n'arrive pas à la cheville de ce que nous avons connu à Ankara. Comme de nombreuses grosses villes des environs, elle est dominée par une forteresse construite on ne sait trop comment sur l'un des sommets environnants depuis l'Antiquité et remaniée de nombreuses fois jusqu'à l'époque ottomane. 

Citadelle

(Citadelle) 

 

La citadelle comporte également quelques partie bien moins élevées dans le massif, qui prennent directement derrière les dernières maisons de la ville ottomane située sur la rive gauche. Cette partie ancienne ne représente qu'un tout petit morceau de la ville, mais elle possède un charme incroyable.

Citadelle inférieure (2)

(Citadelle)

 

 Tout cela est terriblement photogénique depuis la rivière, où l'on voit successivement à mesure que le regard s'élève, les maisons ottomanes, les tombeaux des rois du Pont et la citadelle supérieure.

Tombeaux des rois du Pont (3)

(Tombeaux des rois du Pont, IVe - IIIe s. av. J-C) 

 

Ces curieux tombeaux sont l'une des grandes attraction de la ville et nous décidons d'y aller. Finalement, ce sera un peu à regret et si nous avions su peut-être nous serions-nous abstenus. En effet, le lieu n'est pas encore fermé mais le sera à 19h00 nous indique le gardien du lieu, un personnage plutôt antipathique qui a la charge de faire payer l'entrée de ce site plutôt mal entretenu. J'aurais dû me méfier; le guide bleu ne signale rien de spécial mais le Michelin dit que l'accès à ce lieu est "pour les plus sportifs". Et en effet, il faut trouver par où y grimper! Un "chemin" est très vaguement tracé sur des pierres lisses et glissantes qu'il faut véritablement escalader... Et les tombeaux en eux-mêmes, si admirables depuis le bas, sont particulièrement décevants une fois en haut : vides, sales, avec des graffitis, ils sont plutôt une honte qu'une gloire. Le genre de site dont il vaut mieux ne pas s'approcher de trop près en fait.

Tombeaux des rois du Pont (7)

(Tombeau)

 

On est toutefois un peu récompensé de nos efforts si on jette un oeil sur les environs. La vue sur la ville et la vallée de la Yeşilırmak est tout simplement superbe. On y voit très bien les konaks de la vieille ville.

Amasya

(Vue depuis les tombeaux rupestres)

 

On voit très bien, sur la rive droite, l'ancien han en ruine et la mosquée au minaret torsadé, dont nous reparlerons plus loin. 

Tas Hani

(Taş Hanı et Burmalı Minare Camii vus depuis les tombeaux)

 

Juste en dessous des tombeaux, dans l'espace aplani entre eux et la ville, dans l'enceinte de la citadelle inférieure, se déroulent diverses fouilles archéologiques. Le lieu abritait en effet le palais des rois du Pont et plus tard, le palais ottoman où l'on envoyait en tant que gouverneur de la ville le prince héritier de l'empire, afin qu'il se forme aux affaires du pouvoir. Un peu comme si en France, on avait refourgué le gouvernement d'une grande ville du royaume au Dauphin. 

Fouilles archéologiques (4) 

(Fouilles archéologiques en cours)

 

Nous prenons un peu de temps pour explorer cette zone archéologique où l'un des bâtiments les mieux mis en valeur est l'ancien hammam du palais, construit au XIVe s. et utilisé jusqu'au XIXe s.

Ruines du hammam principal du palais (2)

(Hammam, XIVe s.)

 

 Nous marchons jusqu'au tunnel menant à d'autres tombeaux. Les différents tunnels font encore l'objet d'hypothèses; la plus probante semble celle de points d'accès pour se ravitailler en eau, surtout en voyant de près ce tunnel où l'on voit très nettement des traces de conduites ou de petits canaux sur le sol. La présence d'un hammam à quelques dizaines de mètres renforce cette opinion.

Passage dans la montagne (2)

(Tunnel)

 

Ayant finis notre visite, nous redescendons vers la sortie. Il doit être 19h10 et nous n'avons entendu aucun bruit ni avertissement, rien. Et l'énorme porte en métal est fermé, verrouillée! Le connard velu qui sert de gardien au lieu ne s'est absolument pas préoccupé de savoir s'il restait quelqu'un... Nous sommes enfermés, et une touriste israélienne également... Nous crions et surtout, je tambourine comme un sonné dans la porte. Quand je commence à donner de grands coups de pied dans la serrure pour essayer de la faire sauter et qu'elle commence à se tordre, la porte s'ouvre sur un jeune garçon envoyé par le gardien qui se trouve un peu plus bas, goguenard. Nous l'insultons, en français ou en anglais. C'est inutile, il ne comprend rien, mais ça défoule un chouilla.

Bref, notre après-midi à Amasya n'aura été ni très réussie ni très reposante...

 

 Une fois cet épisode pénible passé, nous errons un peu le long du fleuve, admirant la rive gauche et ses maisons. Et soudain, nous apercevons une étrange lueur à flanc de montagne : un incendie. En fait, il ne s'agit guère plus que d'un feu de broussaille, mais il est tout de même relativement proche des premières maisons. 

Incendie (2)

(Au feu!)

 

Nous finissons la soirée dans un petit bar-restaurant situé dans un grand konak et surtout fréquenté par des jeunes. La musique est trop forte, mais la nourriture et le cadre sont excellents.

Finalement, malgré les légères déconvenues de la journée, la soirée est plus reposante et la nuit tout à fait bonne. Le lendemain, nous sommes sur le pied de guerre assez tôt et nous partons en vadrouille sur la rive droite, à la découverte des divers monuments qui s'y trouvent.

 En fait, nous longeons la rivière de l'autre côté, admirant la très belle rive gauche et nous attardant aux différents points d'intérêt de la rive droite, à commencer par la mosquée Beyazıt II et son "ensemble" (külliye) composé d'un imaret, une médersa et d'une bibliothèque. Cet ensemble du XVe s. est beaucoup plus typique des débuts de l'art ottoman, inspiré par l'art byzantin et se détachant fortement des influences seldjoukides.

Portail en marbre

(Portail de la Sültan Beyazıt Camii, 1485)

 

Les coupoles du portiques sont très jolies, décorées de peintures probablement du XVIIIe s. représentant notamment la mosquée et sa fontaine aux ablutions. L'intérieur de la mosquée est plutôt sobre, avec un beau minbar en marbre. Tout cet ensemble social est situé dans un très agréable parc assez peu fréquenté à cette heure de la journée (il est environ 9h00 du matin).

Sültan Beyazit Camii, détail du portique (2)

(Peintures des coupoles du portique)

 

Un peu plus à l'ouest se trouve un autre exemple d'architecture seldjoukide, le bel ensemble constitué par la Gök Medrese (une médersa devenue aujourd'hui une mosquée) et le türbe de son commanditaire. Contrairement à beaucoup d'autres édifices religieux, celui-ci n'est pas en superbe état et pas entretenu à la perfection. Il reste néanmoins un très beau témoignage d'architecture seldjoukide, avec son petit minaret octogonal garni d'une frise de briques émaillées bleues.

Gök Medrese (3)

(Gök Mederse, 1266-1267)

 

 Juste à côté de la médersa-mosquée, on trouve donc le tombeau, assez monumental, du fondateur, un certain Torumtay. On y remarque surtout de jolis décors sculptés.

Torumtay Türbesi (2)

(Torumtay türbesi, 1278)

 

Nous longeons la rivière en suivant une douce promenade agrémentée de buste des souverains et princes venus s'essayer au gouvernement dans cette ville.  

Beyazit II

(Buste du sultan Beyazıt II)

 

Les vues sur les maisons de l'autre rive, les tombeaux rupestres et la citadelle sont superbes et sont un véritable à appel à les photographier. Pour des raisons inconnues, on a installé des moulins à eau dans la rivière, visiblement assez récemment.

La carte postale parfaite

(Moulin, konaks, tombeaux)

 

Nous passons dans diverses petites mosquées, près de la tour de l'horloge, un édifice visiblement assez fréquent dans la région, observons de petits tombeaux semblables à ceux situés dans la montagne, détaillons un beau portail seldjoukide puis nous enfonçons un peu à la recherche de la mosquée au minaret torsadé et du han qui lui fait face.

Après quelques détours un peu agaçants, nous la trouvons. Son principal intérêt, comme son nom l'indique, est dans son minaret de curieuse forme. 

Mosquée au minaret torsadé (2)

(Burmalı Minare Camii, 1241)

 

Preuve supplémentaire que tout va très vite en Turquie et que les indications des guides deviennent obsolètes en un rien de temps devant la rapidité du développement économique et des restaurations : le Taş Hanı, un caravansérail du XVIIe s. nous est annoncé comme "très ruiné". C'est effectivement le cas, mais la ruine en question est surtout en plein travaux de restauration afin de lui redonner un peu de sa gloire passée. 

Tas Hani (3)

(Taş Hanı, 1698-1699)

 

Nous poursuivons notre route vers l'otogar, passant encore par plusieurs belles mosquées de la ville. Nous nous renseignons sur la façon de nous rendre à Safranbolu, notre prochaine étape. Il est tout à fait possible de le faire, mais il nous faut changer à Kastamonu, une grosse ville à une centaine de kilomètres de Safranbolu. Le voyage durera cinq heures jusqu'à Kastamonu, puis deux pour rejoindre notre destination. Et les prochains jours, qui seront nos derniers en Turquie, compteront ainsi de nombreuses heures de bus pour nous rapprocher d'Istanbul...

 Mais en attendant, nous profitons des paysages de la région de la mer Noire, plus doux que ceux vus depuis que nous avons quitté Istanbul. Le relief devient moins abrupt, le vert est une couleur qui refait son apparition.

DSCN8233

(Région d'Amasya)

 

 Nous arrivons à Kastamonu sous une pluie d'orage battante, qui fait un boucan de tous les diables sur le toit métallique de la gare routière. Ce sera notre seul vrai gros orage de tout le voyage. Nous attendons une heure et nous dirigeons vers Safranbolu, réputée comme la plus jolie ville de la région et classée à l'UNESCO...

DSCN8236

(Otogar de Kastamonu)

 

La suite au prochain billet; nous approchons de la fin de ce très long et très étiré compte-rendu de voyage, mais il reste encore quelques surprises.

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