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Nouvelle Feuille
21 février 2013

Turin IV : Palais Royal!

Nous ne traînons guère le lendemain matin, car il s'agit d'aller visiter le Palais royal, ce lieu où une queue incroyablement dense poireautait hier en début d'après-midi. Alors là, dès l'ouverture, nous y sommes. Pas les premiers, mais presque. Turin, si animée la veille, est quasi-morte, ce qui permait des photos assez compliquées à réaliser le reste de la journée.

Palais Madame (9)

(Palais Madame)

 

Au Palais Royal, nous prenons la queue, parmi les premiers. Et là, on tombe sur le pire de ce que peuvent produire les fonctionnaires de la péninsule : ça n'ouvre pas à l'heure, c'est lent, ça ne prend pas la carte bleue, c'est peu agréable... Bref, nous perdons un temps fou alors que nous sommes les deuxièmes à passer au guichet (et les premiers ont déjà mis cinq bonnes minutes à acheter leur billets). Bref, nous parvenons tant bien que mal à entrer et nous allons en profiter. D'autant plus que, si la foule qui attend est toujours importante à l'extérieur, les grandes pièces du palais ne retiennent la plupart des visiteurs que peu de temps.

Piazza Castello (4)

(Palais Royal)



L'entrée dans le palais se fait par un superbe escalier d'honneur du milieu du XIXe s. Cet escalier, commandé en 1862 pour célébrer l'unification de l'Italie sous l'égide de Victor-Emmanuel II l'année précédente, est une véritable ode à la famille de Savoie. Partout ses souverains sont représentés, en sculptures ou en peintures toutes tournées vers la glorification des exploits de la dynastie, jusqu'au plafond qui célèbre l'apothéose de Charles-Albert.

Escalier d'honneur

(Escalier d'honneur, 1862)



Cet escalier nous mène tout droit dans les appartements royaux, en l'occurence une première pièce de très vastes dimensions. L'ennui est que ce palais est rempli de pas mal de gardiens et que les photos y sont interdites. Bon, en pratique, à part quelques salles dans lesquelles un gardien ensomnolé vous a forcèment dans la ligne de mire de son oeil torve, il n'est vraiment pas compliqué de faire des photos très correctes.

Appartements

(Première salle du palais royal)



Ceci dit, à un bout de cette pièce démarrent les salles d'exposition, dans lesquelles les photos sont autorisées... Allez comprendre une politique qui interdit les photos dans le permanent mais les autorisent dans le temporaire (à plus forte raison quand il est consacré à un artiste vivant).

DSCN2179

(Arnaldo Pomodoro, Maquette de la machinerie de scène pour Sémiramis de Gioachino Rossini, monté à Rome, Teatro dell'Opera, 1982. Position haute du décor)



Il s'y tenait en effet lors de notre passage une rétrospective du travail du sculpteur Arnaldo Pomodoro réalisé en lien avec le monde du spectacle (opéra, théâtre). Je ne connaissais pas cet artiste, mais je dois dire que ses réalisations sont vraiment séduisantes, qu'il s'agisse du décor ou des costumes.

DSCN2180

(Ibid., position intermédiaire du décor)

 

A l'aide de maquettes que l'on peut animer à l'aide d'un bouton, l'on comprend comment s'actionnaient certains des décors présentés, ainsi que la démesure de la machinerie de scène pour y parvenir.

DSCN2181

(Ibid., position basse du décor)

 

De nombreuses études et dessins sont également exposés, pour nous aider à comprendre le processus de réflexion à l'oeuvre.

DSCN2183

(Etude pour les machines de scènes pour La petite Catherine de Heilbronn, d'Heinrich von Kleist, monté à Zürich, 1972)

 

Je ne sais pas d'où Pomodoro tirait ses idées, mais par moment, les décors qu'il réalise, en particulier pour l'opéra, font étrangement écho au cinéma hollywoodien, quelque part entre Cléopâtre, La Guerre des Etoiles et Stargate.

DSCN2189

("Formes du mythes", bronze; éléments pour le décor de l'Orestie, d'Emilio Isgro d'après Eschyle, 1983-1985)

 

Et que dire de cet obélisque à roulettes conçu pour la pièce d'Ahmed Chawqi consacrée à Cléopâtre?

DSCN2191

(Modèle d'obélisque, élément pour le décor de La passion de Cléopâtre, d'Ahmed Chawqi, monté à Gibellina, 1989)

 

L'on est également surpris de la créativité qu'il déploie dans les costumes. Qu'il s'agisse d'un contexte grec ou égyptien, il a su utiliser les formes antiques des armures ou des éléments iconographiques en les réinterprétant pour leur donner un aspect presque de film d'anticipation.

DSCN2193

(Costume d'Enée pour La tragédie de Didon reine de Carthage, de Christopher Marlowe, monté à Gibellina, 1986)

 

Un bémol dans cette belle exposition : les cloisons qui forment un long couloir sont un peu étouffantes et surtout ont tendance à masquer le décor des salles du palais où se place l'expo.

Plafond de la salle d'exposition

(Plafond de la salle d'exposition)

 

Son travail pour le théâtre, pour être tout aussi original, semble moins facilement accessible que celui pour l'opéra, et surtout beaucoup plus sombre. Les décors de théâtre sont présentés dans des sortes de petites boites-maquettes reproduisant la scène.

DSCN2204

(Maquette de la scène pour Dans la solitude des champs de coton, de Bernard-Marie Koltès, monté à Rome au Teatro dei Satiri, 1992)

 

On est surpris aussi de trouver une parenté dans ses dessins de costumes avec les oeuvres de Moebius (en moins S-F) ou de Topor (en moins sexuel). J'ignore si cette correspondance a la moindre pertinence, mais c'est immédiatement à ces deux artistes que j'ai pensé en voyant ce travail et ces personnages à la fois hiératiques et délirants, et cet aspect presque granuleux du rendu final :

DSCN2209

(Modèles de costumes pour le bal final dans Un bal masqué, de Giuseppe Verdi, monté à l'Opéra de Leipzig, 2005)

 

Si une partie de l'oeuvre de ce sculpteur-décorateur est plutôt enthousiasmante, d'autres éléments laissent parfois un peu plus perplexe, surtout placés hors contexte. 

DSCN2227

("Ruban infini de signes, pour La Tempête, de William Shakespeare, monté à Palerme, 1998)

 

Nous entamons ensuite la visite du palais proprement dit par le fameux "escalier des ciseaux", conçu par Juvarra dans les années 1720 pour remplacer un vieil escalier en bois et permettre un accès aux appartements du prince héréditaire Charles-Emmanuel (futur Charles-Emmanuel III). Il paraîtrait qu'il s'agit là, au niveau architectonique, d'une petite prouesse que l'on croyait impossible et que Juvarra accomplit avec brio. Je n'y connaît rien sur les questions de portée, de poussée et autres, donc je ne me prononcerai pas. Je sais juste que l'escalier est bien conçu et que sa riche décoration comporte notamment les fameux ciseaux qui lui valent son nom. La légende veut que ce motif de ciseaux coupant des tresses symbolise Juvarra coupant la langue perfide des courtisans qui le pensaient incapable de réussir cet escalier.

Escalier des ciseaux

(Escalier des ciseaux, Filippo Juvarra, 1722)

 

Les salles sont la plupart du temps admirables par leur décoration, essentiellement des XVIIIe et XIXe s. On apprécie aussi la présence dans chaque salle d'un grand cartel qui en détaille les principaux éléments et caractéristiques, et ce en italien, en français, en anglais et en espagnol! On pardonnera alors la traduction un peu approximative - même s'il est difficilement compréhensible d'avoir des cartels dans un français parfois aussi hésitant, alors que nous sommes à peine à 100 km de la frontière française et dans l'un des principaux musées de la 4e ville d'Italie.

Tapisserie de Didon et Enée

(Tapisserie de Didon et Enée, Manufacture royale de Turin, fin XVIIIe s.)

 

Quelques idées très sympathiques sont mises en oeuvre, comme dans la salle des palefreniers, cette exposition en regard d'une des huit tapisseries de la série de l'Histoire de Didon et Enée, du carton de l'artiste Francesco de Mura qui a servi de modèle.

Carton et tapisserie

(Tapisseries de Didon et Enée, Carton de Francesco Mura)

 

Dans la salle des pages, actuellement en restauration, si l'essentiel du décor est invisible, on peut voir la toile du plafond en cours de restauration et ainsi un peu mieux appréhender le travail des restaurateurs d'art. C'est une bonne initiative si le restaurateur en question parvient à travailler malgré la présence de public. Ceci dit, lors de notre passage, personne n'était en train de travailler dessus.

Restauration

(Oeuvre en restauration)

 

Dans une autre salle, malheureusement dépourvue d'explications, se trouve entrouverte une porte qui laisse voir un petit autel de dévotion privée, probablement en bois doré. 

Cabinet privé de dévotion

(Cabinet de dévotion privée)

 

On remarquera particulièrement un élément quasi indispensable dans un palais du XVIIIe s. européen : un salon exotique. Ici, il s'agit d'un salon chinois, imaginé encore et toujours par le prolifique Juvarra. Ce n'est certes pas le plus impressionnant que j'ai vu, mais il présente une particularité assez admirable, celle d'être garni à la fois d'authentiques laques asiatiques achetés par Juvarra lui-même en 1732 à Rome, et d'autres qui sont des créations-imitations du peintre Pietro Massa exécutées en 1736. Ce qui était un charmant salon pour dames est ensuite devenu au XIXe s. la salle des archives de Charles-Albert de Sardaigne.

Cabinet chinois (2)

(Cabinet chinois, première moitié du XVIIIe s.)

 

La pièce qui suit immédiatement le salon chinois est une sorte de cabinet de curiosité présentant essentiellement de petites collections d'art asiatique, de facture très populaire mais très sympathique à voir. 

Cabinet de curiosité asiatiques

(Ganesh et un nain (gana)?, Indonésie?)

 

Il s'agit pour la plupart de petits bronzes vraisemblablement datés du XVIIIe s. ou des premières années du XIXe s. Un grand regret : les cartels sont fait par des gens qui n'y connaissent strictement rien en art asiatique et s'efforçant de rester dans le vague faute d'avoir pu identifier une iconographie même approximative.

Cabinet de curiosité asiatiques (4)

(Durga terrassant le démon-buffle, Inde du Sud?)

 

Mais plus que ces petites pièces mal mises en valeur, c'est la qualité du mobilier et du décor néoclassique que l'on remarque le plus.

Cabinet de curiosité asiatiques (7)

(Cabinet de curiosités)

 

De là on accède ensuite à une très grande galerie, dite Galerie de David, qui sert en fait de très vaste salle d'armes, impressionnante mais qui donne l'image d'une famille de Savoie plutôt passionnée des armes et de la guerre. Cette galerie date de 1684 et sa décoration a été confiée à l'autrichien Daniel Seyter qui y a réalisé un programme tout à la gloire du duc Victor-Amédée II. Elle a par la suite été remaniée légèrement au XVIIIe s. (ajout des glaces, appliques et du mobilier) et en 1840 quand Charles-Albert fait couvrir certaines glaces pour les remplacer par des portraits de personnages célèbres nés sur le territoire du royaume de Piémont-Sardaigne.

Galerie de Daniel, plafond

(Galerie de Daniel, 1684)

 

Je passe rapidement sur la collection d'armes et d'armures, qui n'est pas tout à fait aussi énorme que celles des rois d'Angleterre ou des empereurs d'Autriche, est tout de même très intéressante et avec des objets curieux et plus ou moins exotiques.

Casque, renaissance

(Heaume, renaissance?)

 

Deux éléments distinguent particulièrement cette belle galerie: la présence d'un certain nombre de chevaux naturalisés, harnachés et bien mis en valeur, et la continuité de la collection, qui se contente pas de présenter des armes très anciennes mais se poursuit jusqu'à l'installation de la dynastie de Savoie à Rome dans les années 1860. On peut ainsi observer l'évolution des pistolets et fusils au cours des siècles, de leurs formes, leur précision et leurs fonctions, ce qui n'est pas sans intérêt.

Cheval japonais

(Equipement pour cheval de samouraï, Japon, XVIII-XIXe s.)

 

Quelques autres belles salles et salons arrivent ensuite, dont deux ressortent particulièrement. La première est la salle de l'alcôve, une curiosité qui remonte à l'origine du palais et qui servait de chambre à coucher pour Charles-Emmanuel II. Elle arbore ainsi dans sa décoration plusieurs allégories louant l'origine française de son épouse (qui devait être soit l'éphèmère Françoise-Madeleine d'Orléans, ou plus sûrement Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie). Parmi les bizarreries, la plus étonnante est sans doute d'avoir, pour soutenir la fameuse alcôve qui donne son nom à la pièce, fait réaliser des caryatides enceintes (symbole de la fécondité de son épouse). Si l'on ajoute à cela que cette chambre devenue salon au XIXe s. sert depuis lors de lieu d'accueil à la remarquable collection de vases japonais de Charles-Albert, l'on comprendra aisèment pourquoi cette salle fait forte impression.

Salle de l'alcôve (3)

(Salle de l'alcôve, 2e moitié du XVIIe s.)

 

Et enfin, la dernière pièce visitable est une grande salle de bal, parfaitement néoclassique et couverte de dorures. Conçu par Pelagio Palagi, l'ensemble brille et flatte l'oeil avec ses plafond à caissons, ses lustres, sa frise de danseuses dans le goût pompéien et ses colonnes de marbre blanc.

Salle de bal

(Salle de bal, 1835-1842)

 

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